jeudi 24 avril 2025

Au sortir d'un vernissage désolant (pour Valentine)


Au sortir d’un vernissage désolant


    La solitude m’empoisonne, me dit l’homme en m’agrippant au col, au sortir d’un vernissage désolant. Son visage trop près du mien me paraît granuleux, crevassé, d’une rougeur pénible, comme la surface d’une planète lointaine. C’est une maladie que j’ai, contre laquelle il n’y a aucun remède, un mal incurable, mais qui n’a même pas le mérite d’être mortel… Pour en précipiter la fin, il faudrait que j’y mette moi-même la main. Or, cela, je ne le peux pas, j’ai peur que cela fasse mal, comme disait Stendhal ou je ne sais qui… En le repoussant un peu – car malgré les pastilles à la menthe dont comme tous les ivrognes honteux il semble faire un usage immodéré, il a mauvaise haleine – je lui enjoins de retrouver son calme et plus de mesure dans ses paroles, tant il est toujours un brin répugnant l’être qui dépose dans la balance la menace de son anéantissement… Qui veut mourir ne le dit pas. C’est son secret, un secret qu’il gardera jalousement jusqu’au bout… Mais peut-être n’a-t-il pas tout essayé ? Peut-être existe-t-il pour lui une issue ? Chacun à sa manière cherche une issue… Bien malgré moi sentencieux, je me perds dans des considérations générales qui ne peuvent lui être d’aucun secours et l’homme m’écoute distraitement, avec un fin sourire ironique, de même qu’on écoute un phraseur engoncé dans ses mots et leur banalité. Réalisant que mon bavardage l’ennuie, je me tais et d’un coup m’éloigne à pas précipités, comme chassé au hasard des rues, loin des vives lumières et des architectures pompières du musée d’art moderne… Au moins, au moins, aurais-je eu la délicatesse de ne pas entrer dans son jeu, en faisant étalage de mes propres souffrances.


 

                                                                  Frédéric Perrot

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