samedi 5 octobre 2019

André Breton (trois extraits de Signe ascendant)

André Breton 


Et le manœuvre
N’est pas moins grand que le savant aux yeux
            du poète
L’énergie il ne s’agissait que de l’amener à l’état pur
Pour tout rendre limpide
Pour mettre aux pas humains des franges de sel
Il suffisait que le peuple se conçût en tant que tout
            et le devînt
Pour qu’il s’élève au sens de la dépendance universelle
  dans l’harmonie
Et que la variation par toute la terre des couleurs
            de peau et des traits
L’avertisse que le secret de son pouvoir
Est dans le libre appel au génie autochtone de chacune
            des races
En se tournant d’abord vers la race noire la race
            rouge  
Parce qu’elles ont été longtemps les plus offensées

Les pustules de la Bête resplendissent de ces hécatombes
  de jeunes gens dont se gorge le Nombre
Les flancs protégés par les miroitantes écailles
  que sont les armées
Bombées dont chacune tourne à la perfection sur sa
  charnière
Bien qu’elles dépendent les unes des autres non
  moins que les coqs qui s’insultent à l’aurore de
  fumier à fumier
On touche au défaut de la conscience pourtant
  certains persistent à soutenir que le jour va
  naître

De haute lutte la souffrance a bien été chassée
de quelques-uns de ses fiefs
Et les distances peuvent continuer à fondre
Certains vont même jusqu’à soutenir qu’il n’est pas
impossible que l’homme
Cesse de dévorer l’homme bien qu’on n’avance guère
de ce côté
Cependant cette suite de prestiges je prendrai garde
comme une toile d’araignée étincelante
Qu’elle ne s’accroche à mon chapeau
Tout ce qui vient à souhait est à double face et fallacieux
Le meilleur à nouveau s’équilibre de pire
Sous le bandeau de fusées
Il n’est que de fermer les yeux
Pour retrouver la table du permanent

                                             
            Je tiens Signe ascendant pour l’un de ces chefs-d’œuvre secrets de la poésie du vingtième siècle. Frédéric Perrot.

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