jeudi 3 octobre 2019

Dix notes sur Les murs (avec une photographie empruntée à Guy Debord)




                                                Pour Éric Doussin


1 – Partout où l’homme est le plus égal à lui-même, il construit des murs.

2 – Pour plus de sûreté, ces murs surmontés de barbelés sont surveillés par des hommes en armes postés dans des miradors. La nuit, des projecteurs balaient leurs environs immédiats. Les tirs sont sans sommation.

3 – Varsovie, Berlin, Gaza – Cette courte énumération n’est en rien tendancieuse. Ces murs sont tous des murs de la honte.

4 – Au-delà du mur, l’homme aperçoit un arbuste symbolique. Les murs poussent plus vite que les arbres.

5 – « Les nostalgiques de la servitude, prisonniers d’une idéologie désuète… J’en connais qui regrettent le mur de Berlin… »

6 – Le 26 juin 1963, le président américain John Fitzgerald Kennedy prononçait à Berlin une phrase belle et célèbre : « Ich bin ein Berliner ». Cela ne l’empêcha pas d’être assassiné – on ne saura sans doute jamais par qui – à Dallas, le 22 novembre 1963.   

7 – Les murs ont leur poésie. Dessins, graffitis, phrases tracées dans l’urgence. En mai 68, à Paris, les murs ont la parole. Fleurissent les slogans ! La poésie est dans la rue ! Saint-Just est « détourné » et le bonheur est une idée neuve sur les rives de la Seine.

8 – La même année, en août, la « nuit russe » tombe sur Prague.

9 – Dans le cas d’un mur, seule compte la date de sa chute. Berlin, 9 novembre 1989.

10 – Un esprit malicieux dirait sans doute que si l’homme un jour vit sur une autre planète, il y construira des murs.


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Le texte écrit en 2015 ou 2016 m’a été inspiré par un dessin d’Éric, montrant un homme étrangement grand et regardant par-dessus un mur un « arbuste » se trouvant de l’autre côté.
C’est Milan Kundera qui parle de la « nuit russe » au sujet de l’écrasement du Printemps de Prague en août 1968.
La phrase célèbre de Saint-Just (1767-1794) est : « Le bonheur est une idée neuve en Europe. »
La photographie est empruntée au second volume de Panégyrique de Guy Debord (1931-1994)

                                                                                                Frédéric Perrot

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