mercredi 20 mars 2019

Henry James (portrait par Eric Doussin)

Eric Doussin 


Ce sont ici les premières lignes du récit d’Henry James, Le tour d’écrou (1898)

Autour du feu, l’histoire nous avait tenus passablement haletants, mais je ne me souviens d’aucun commentaire à son propos – sinon cette évidence qu’elle était aussi sinistre qu’il sied à une histoire contée dans une vieille maison, le soir de Noël – jusqu’à ce que quelqu’un risquât la remarque que c’était le seul cas, à sa connaissance, d’une apparition surnaturelle advenant à un enfant. Il me faut préciser qu’il s’agissait, en l’occurrence, d’une apparition dans une vieille maison semblable à celle où nous étions réunis en la circonstance – une terrifiante apparition à un petit garçon qui, terrifié, réveillait sa mère dont il partageait la chambre, et qui la réveillait moins pour dissiper sa terreur et se rendormir calmé, que pour  qu’elle-même se trouve confrontée à la vision qui l’avait bouleversé. Ce fut cette remarque qui nous valut de Douglas, pas immédiatement mais plus tard dans la soirée, une réplique qui eut l’intéressante conséquence qu’on va voir. Quelqu’un d’autre raconta une histoire qui ne fit pas grand effet, et dont je notais que Douglas ne l’écoutait pas. J’y vis le signe qu’il avait lui-même quelque chose à raconter et que nous n’avions qu’à attendre. De fait, nous attendîmes deux soirées : mais ce même soir, avant que nous nous séparions, il révéla ce qu’il avait en tête.
« Pour ce qui est du fantôme de Griffin, et quelque crédit qu’on lui prête, je conviens que le fait d’apparaître d’abord à un jeune garçon d’un âge si tendre ajoute à ce récit une tonalité singulière. Mais, à ma connaissance, ce n’est pas le  premier cas de cet ordre concernant un enfant. Et si l’enfant ajoute à l’effet du récit un tour d’écrou, qu’en serait-il, à votre avis, de deux enfants ?

(Traduit de l’américain par Monique Nemer, La bibliothèque cosmopolite, Editions Stock, 1994)

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