mardi 5 juillet 2022

Testament (un poème de Jean-Michel Maulpoix)

 



Ecrire et disparaître le savez-vous sont une même chose

C’est pourquoi à ce qui n’est plus j’aime adresser des lettres

Aux morts lancer des signes comme des brassées de fleurs

Aux morts jeter des mots car leurs lèvres fermées sont noires

Qui attendent toujours le baiser leurs os sont blancs et froids

Nous nous souvenons à peine de leurs rires et de leurs mouvements

Même s’ils nous ont tenus parfois serrés très fort entre leurs bras

 

Poème : cendre ou poussière sur quoi les mots tombent en pluie

Nul ne m’a présenté Dieu je ne connais que son nom vide

Son absence extrême de visage son silence obtus de vieux sourd

Et la plainte sur la croix du fils abandonné qui ne renaîtra pas

Je ne le cherche plus comme autrefois dans les églises ni dans les gares

Ni même sur le visage stupide des statues ou des filles de joie

Je n’aspire pas même à y croire mourir est une occupation qui me convient

 

C’est pourquoi sur le papier blanc je trace des signes noirs

Où me dire me dissoudre offrir déjà ma chair au rien qui la dévore

Quitter mon sang ma peau me défaire enfin de mon cœur

Comme d’une vieille guenille trouée d’amour où l’on a froid

Observer derrière le rideau ceux qui s’en vont dans la tiédeur

Et ne savent pas encore quelle pelle et quel trou les attendent

Les doigts déjà disjoints ils se sourient si fort les yeux si clairs déjà percés

 

Aimer et disparaître quoi qu’il arrive sont une même chose

Et tous ces gestes que vous faites dans la nuit l’un vers l’autre

Ces baisers les yeux clos ne disent que la séparation où vous vous accouplez

Moi je m’efforce pour un temps de faire tenir les mots ensemble

C’est mon métier ma douleur mon usure ma respiration de noyé

Je lie en bouquets ou en gerbes les preuves de ma disparition  

Et je projette sur vos cheveux des pétales de cerisiers blancs

Afin que se fortifie dans vos cœurs la pensée de l’amour.


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