jeudi 24 mars 2022

L'insuffisance

 

                                                           … la vie ne suffit pas.

                                                                  Fernando Pessoa

 

Ce qui le frappe en cette vie, c’est l’insuffisance. Ce sentiment d’une insuffisance quasi universelle est le cœur, le nerf de ce qu’il nomme non sans afféterie, son « atroce » scepticisme… Et par jeu, il se plaît à énumérer toutes les insuffisances qui lui viennent à l’esprit.

 

L’amour est insuffisant, gravement surestimé et n’est jamais ce qu’il devrait être.

L’amitié, ce « romantisme des hommes », est insuffisante, n’étant guère à l’abri de la désillusion et des premiers soucis où elle devrait faire ses preuves.

La plupart des sentiments sont d’ailleurs insuffisants, quand ils ne sont pas simplement d’une banalité confondante.

L’intelligence est insuffisante, toujours prise au dépourvu…

Les livres sont insuffisants, les arts, à l’exception de la musique, non moins.

L’effort humain en général est insuffisant, mais peut-être seulement parce qu’il est mal orienté.

Les rires et les larmes sont insuffisants.

La parole est insuffisante : mais cela qui ne le sait pas ?

 

Cependant son jeu le lasse et le dégoûte, quand il songe soudain, par un retournement dont son esprit est coutumier, à ce qu’il y a de trop… Bêtise, cruauté, violence. Haine, mépris, indifférence. Misères, famines, massacres… Et nauséeux, il renonce, confronté à tout l’excès du malheur humain…

 

 

Le texte a été écrit au cours des années 2000. La citation complète est : « La littérature, comme toute forme d’art, est l’aveu que la vie ne suffit pas. » (Fernando Pessoa, Pages sur la littérature et l’esthétique).

                                                                                               Frédéric Perrot






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