Librairie Lignes de fuite :
On n’a pas idée
d’infliger aux êtres de telles épreuves. L’ordre écrit sur un morceau de papier
que l’on m’avait mis dans la main sans ménagement à mon arrivée était aussi net
que précis : je devais passer par la porte étroite, ainsi qu’on la nommait
ici par tradition… La file d’attente impatiente qui s’étendait à perte de vue répétait
dans mon dos cette sinistre injonction : la porte, la porte, passe par la
porte étroite, tu le dois. Mais ce n’était même pas une porte ! C’était
plus exactement une meurtrière, dont la largeur était encore réduite par un
barreau central. Même en se désarticulant de façon insensée jusqu’à se faire
aussi mince que du papier à cigarette, il était simplement impossible de se
faufiler par un si étroit passage. Quant à s’en prendre au barreau, il ne
fallait pas y songer. Même je ne sais
quel hercule aux muscles tendus n’aurait pu le tordre ou le faire bouger d’un
millimètre. Cela n’aurait rien changé, en vérité… Car si j’ajoute que cette
prétendue porte ne semblait en aucun cas séparer deux espaces différents et que
haute d’un mètre environ elle était profondément enfoncée dans le sol boueux,
on mesurera sans doute toute l’absurdité de ma situation… Debout, je la
surplombais sans difficulté, et je pouvais contempler les immensités vides qui
s’étendaient au-delà, et il aurait paru infiniment plus naturel de l’enjamber,
comme on enjambe une barrière ou une haie. Mais sans que je ne comprenne
comment, un mouvement aussi naturel était non moins impossible et plié en deux comme
un vieux savant sénile qui observe des insectes s’agiter en tous sens parmi les
herbes, j’observais cette satanée porte, par laquelle j’étais contre toute
évidence, sommé de passer… Malgré le froid ténébreux qui régnait en ce non-lieu
désertique, j’étais en sueur, j’avais mal à la tête et je me faisais
l’impression d’être un novice confronté à un problème d’échecs par trop
ardu pour lui… Cependant l’interminable file d’attente derrière moi me pressait
d’une manière de plus en plus insistante. On criait, on sifflait, on huait, les
noms d’oiseaux commençaient de voler dans le ciel vide : je ne devais pas
me poser tant de questions et faire ainsi ma mijaurée, je devais au plus vite m’arracher
à mon impuissance et passer par la porte étroite, alors qu’il était bien
évident que cela était juste impossible… Il y avait dans une telle épreuve,
quelque chose que je ne comprenais pas… Et combien de temps se passerait-il
encore avant que cette foule exaspérée ne devienne plus menaçante et qu’aux
violences verbales ne succèdent les violences physiques ? Il me semblait clair
que mes minutes étaient comptées et que les coups les plus cruels ne
tarderaient plus à pleuvoir…
Frédéric
Perrot
Victor se réveilla une fois encore d’un sommeil
approximatif. Des visions de rêve s’évaporaient dans ses yeux, que la douleur
fit s’ouvrir. Il était allongé dans le canapé du salon, dans une position
particulièrement inconfortable. Selon toute apparence, il n’était parvenu ni à
atteindre son lit, ni à se déshabiller. Comme d’habitude, il avait dû
s’écrouler à un moment ou à un autre, en tournoyant sur lui-même au rythme de
la musique, dont ses voisins ne cessaient de se plaindre, jusqu’à frapper aux
murs. Le sol du salon était jonché de saletés : poussière, capsules,
bouteilles, papiers gras, restes de nourriture… Certaines taches et auréoles
semblaient indélébiles. Il régnait une odeur infecte dans toute la pièce, le
minimum vital aurait été d’ouvrir ses fenêtres de temps à autre… Mais cette
idée déplaisait à Victor au plus haut point. Il se sentait derrière ses volets
baissés à l’abri du regard des autres et de toute façon ses fenêtres ne
donnaient à perte de vue que sur des immeubles semblables au sien, aussi
sinistres et délabrés. Il avait vite remarqué lorsqu’il s’était installé un an
et demi auparavant, que nombre de vieux passaient leurs journées à épier tout
ce qui pouvait se passer dans les innombrables appartements conçus sur un
modèle identique et purement fonctionnel. La plupart de ces vieux déchets
disposaient de jumelles. Quelques-uns possédaient même des fusils à lunette et
ces têtes vides passaient leur temps à faire semblant de viser quelque balcon
ou les bandes de gosses qui braillaient dans les cours. Parfois, c’était
inévitable, un coup de feu partait et comme des oiseaux les gosses se
dispersaient aux quatre coins en riant, plus égayés qu’effrayés par ce
micro-événement : au moins, ce jour-là, il s’était produit quelque
chose ! On pourrait en discuter longtemps cachés derrière les containers à
poubelles qui toujours débordaient ou parmi les broussailles et les herbes
folles qui composaient ici un semblant d’espace vert.
Victor se leva précipitamment pour aller vomir.
Dans sa course, il manqua de s’écrouler, en se prenant les jambes dans un tas
d’objets indistincts, qui s’élevait jusqu’à une belle hauteur entre le salon et
la salle de bains… Il se fit terriblement mal, grogna, mais parvint à trébucher
jusqu’à la cuvette, où il tomba pour ainsi dire la tête la première, comme s’il
devait y disparaître. Il vomit longuement et à plusieurs reprises, avant de
s’appuyer contre le mur carrelé non sans un certain soulagement : ainsi
assis, le cul par terre, avec la solidité d’un mur dans son dos, il ne risquait
rien et aurait pu rester longtemps sans bouger, si l’odeur infecte montant de
la cuvette ne l’avait fait se relever, en proie à un nouveau malaise. Il
s’appuya au lavabo, fit couler l’eau froide au maximum et s’en aspergea le
visage avec de grands gestes maladroits. « Ta mère dirait que tu mets
toujours de la flotte partout », songea-il avec un sourire amer, en
rejetant violemment la tête en arrière, car déjà il y entendait la voix de sa
mère et ses éternelles remontrances. Ces intrusions ainsi qu’il les
nommait, ne se produisaient plus seulement dans ses rêves, mais également
lorsqu’il était éveillé, comme il semblait l’être à ce moment, sa mère parlait
dans sa tête et c’était proprement insupportable de l’entendre raconter
toujours les mêmes insanités, comme si on lui avait installé quelque part sous
le crâne un micro par lequel elle pouvait s’adresser directement à lui, en ne
cessant jamais de lui reprocher les mêmes vieilles vétilles, de sa voix
mielleuse et méchante, reconnaissable entre toutes…
Victor soupira : à son âge, devoir subir de
telles déconvenues ! Entendre la voix de sa mère dans sa tête ! Il se
souvenait bien que plus jeune, il parvenait à faire de son crâne une forteresse
imprenable, dans la pièce la plus reculée de laquelle il se réfugiait et alors
sa mère pouvait parler pendant des heures, en agitant les bras comme elle en
avait l’habitude, ses mots ne le pénétraient pas, elle semblait s’adresser à
lui d’une distance considérable et il éprouvait un plaisir vicieux à observer
le mouvement rapide de ses lèvres, sans jamais être atteint par la boue, les
crapauds et les oiseaux de nuit qui comme dans le conte s’en échappaient à
flots continus !
« Vieille sorcière ! Tu as pris ton
temps, mais te voilà de retour… Tu as ressurgi au moment où j’étais le plus
vulnérable et quand tu commences à parler, il est bien difficile de te couper
le sifflet… Il n’y a pas de bouton, pas d’interrupteur, on ne peut simplement
pas éteindre le micro… Il faut subir ton monologue cafouilleux jusqu’au bout,
et jusqu’au bout entendre ta bouche de vieille cracher son venin… Et puis cela
cesse, aussi brusquement que cela s’est déclenché, sans raison et sans que l’on
puisse y faire grand-chose… Et pourtant, j’ai pris bien soin de t’éloigner
de moi ! Tu crèves à petit feu, à plus de cent-vingt kilomètres, dans ton
asile de cinglés, et tu ne devrais pas pouvoir m’atteindre… Quand j’étais plus
jeune, je m’en souviens bien, je ne craignais pas tes assauts psychiques, tes
mots rebondissaient contre mon crâne comme une balle molle sur un mur. Pardon
ma chère mère, vous n’êtes pas ici chez vous, c’est ma tête et vous n’avez rien
à y faire ! Je pouvais même siffler insolemment pendant que tu palabrais
en brassant de l’air comme tu en avais l’habitude… »
Victor revint dans le salon, comme s’il avait
quelque chose d’urgent à y faire. Le
spectacle était accablant et il se donnait l’impression d’être un soldat qui
sans raison vraisemblable retournerait sur le champ de bataille au lendemain
d’une défaite. Constater l’étendue des dégâts était tout à fait dans ses
cordes ! Mais Victor n’avait pas envie de s’y attarder présentement et il
avisa près du canapé un sachet de ces pilules qu’il achetait au petit dealer du
deuxième étage. Il en avala trois rapidement, en les faisant passer avec un
reste de soda d’une couleur douteuse, et, soulagé, s’assit dans le canapé, en
s’efforçant de se tenir très droit comme un voyageur qui attend son train sur
un quai et sait qu’il devra bondir parmi la foule à la seconde où les portes
s’ouvriront. Au bout d’un moment, il dut cependant admettre que jamais sans
doute l’express n’entrerait en gare et que les pilules ne lui faisaient
quasiment plus aucun effet…
Victor avait seulement envie de se gratter et
cette horrible démangeaison pouvait être autant mise sur le compte des pilules
que sur son sentiment justifié d’être crasseux. Les pilules ne faisaient comme
toutes les mauvaises drogues qu’accentuer les sensations désagréables jusqu’à
les rendre intolérables, obsessionnelles, de sorte que se gratter le bras
jusqu’au sang, comme il s’y appliquait avec colère, n’avait en soi rien de très
étonnant et semblait même obéir à une certaine logique… Et puis, comme les voix
dans sa tête, cela cessa et Victor considéra un instant avec stupeur son bras,
dont la peau était intacte et ne portait pas la moindre trace, alors qu’il
avait eu l’impression de se gratter avec fureur… Dégoûté, Victor alla jeter le
sachet de pilules dans un gros sac qui servait de poubelle.
Victor marchait dans la forêt. Il marchait vite et
devait s’étonner du mouvement précipité de ses jambes, qui l’emportaient à une
allure que le reste de son corps avait beaucoup de mal à suivre. C’était comme
si ses jambes couraient, pendant que ses bras, son torse et sa tête
traînassaient un peu derrière. Ses jambes devenues aussi fines que les pattes d’une sauterelle avaient une bonne longueur d’avance, mais Victor ne cessait de regarder
en arrière, comme s’il eût voulu se rendre compte des beautés à côté desquelles
il était passé sans les voir par la faute de ses jambes, ou comme s’il était
poursuivi par quelque individu dangereux dont il fallait s’assurer qu’il ne
gagnait pas du terrain.
En fin de compte, Victor retrouva une certaine
cohérence corporelle : ses jambes
redevinrent comme il les avait toujours connues, au moment où il arriva dans la
clairière, dont il ne doutait pas qu’elle fût sa destination. Une scène de
spectacle excessivement éclairée était dressée là, au milieu des arbres qui
s’élevaient jusqu’à des hauteurs prodigieuses, dissimulant de leurs branches
recourbées au sommet le ciel où sans doute la lune, émergeant des nuages sombres,
aurait à cet instant voulu faire une apparition aussi fantasque que spectrale…
Ce n’était pas son soir à la Lune ! Et
Victor, après avoir enjambé les barrières de sécurité, monta sur la scène. Un
homme arrivant au pas de course lui plaqua contre la poitrine un cahier, en lui
indiquant que s’y trouvait son texte. Mais se souvenait-il au moins du
personnage qu’il devait jouer ? Il était un acteur si inconséquent !
Cette remarque déplut à Victor, qui non seulement n’avait jamais aimé le
théâtre, mais se flattait presque de mépriser le métier de comédien, dont les paradoxes
ne l’intéressaient pas un instant. Il aurait voulu s’en expliquer avec
l’homme, lui exposer son point de vue : l’autre cependant avait disparu
aussi rapidement qu’il était apparu, comme si la répétition ne devait plus
souffrir le moindre retard.
De guerre lasse, Victor ouvrit le cahier au
hasard, feuilleta rapidement quelques pages. C’était absurde, presque gênant…
Le cahier était selon toute vraisemblance de la main de l’auteur et à
l’exception des noms des personnages, écrits en lettres capitales, le reste
n’était qu’une suite de gribouillis illisibles, accompagnés de dessins épars et
de schémas informes. Le nom des personnages lui sauta aux yeux comme une
coïncidence d’une banalité tellement désolante que Victor se sentit aussitôt
libéré de toutes ses obligations théâtrales, et en jetant le cahier avec un
large geste comme s’il avait voulu l’envoyer le plus loin possible de lui, il
redescendit de la scène.
Victor ne désirait plus que s’en aller à présent,
laisser derrière lui cette lamentable pantomime, s’enfoncer au hasard parmi les
arbres, mais à quelques pas à peine, il eut la désagréable surprise de
découvrir un groupe de cinq hommes, qu’il reconnut pour des chasseurs à leur
accoutrement ridicule et à leurs fusils, qu’ils brandissaient par moments
au-dessus de leurs têtes comme des trophées. Autrement, ils se faisaient passer
une bouteille de gnole, fumaient des cigarettes, se chamaillaient comme des enfants
au sujet d’une lampe de poche, parlaient fort, s’envoyaient des bourrades dans
le dos : une charmante compagnie, à n’en pas douter… Après le théâtre, les
chasseurs : décidément il était gâté ! Victor hésitait néanmoins sur
la démarche à suivre. Il se sentait cloué sur place par l’indécision. Jamais il
ne s’était avisé que cette expression galvaudée, cloué sur place, pût avoir un
sens concret, mais telle était sa situation : il avait été arrêté dans son
mouvement, et appuyé contre les barrières de sécurité, dans la position un peu
recroquevillée d’un homme qui appréhende un premier coup, il ne savait que
faire… Les chasseurs qui l’avaient indubitablement remarqué, ne lui accordaient
par ailleurs aucune espèce d’attention et il n’aurait sans doute tenu qu’à lui
de passer à côté de leur groupe, comme si de rien n’était et de disparaître
sans se presser parmi les arbres. Comme cela semblait facile en théorie ! Il
redoutait cependant une remarque à l’instant précis où il passerait à leur
proximité, que l’un d’entre eux l’interpelle grossièrement, qu’ils tournent
tous alors vers lui leurs faces de brutes pour le dévisager et le regarder de
haut en bas, et cette crainte vague le paralysait. Victor en était à ce point
de ses réflexions, quand les chasseurs se mirent à chanter une chanson de
pochards, dont l’effet ne se fit pas attendre ! C’était une si
épouvantable chorale que Victor se sentit presque aussitôt libéré de son
harassante immobilité : il avait naturellement porté les mains à ses
oreilles et ses jambes ne paraissaient plus prises dans le sol comme des
racines, il sentait son cœur battre à nouveau dans sa poitrine et tout son
corps s’extraire de ce qui commençait de ressembler à un envoûtement, un sort
qui lui aurait été jeté, et puisqu’il pouvait se mouvoir sans effort, il
s’éloigna sans demander son reste.
« Adieu, messieurs les chasseurs ! Nous
n’avions rien à nous dire et c’est heureux que nous n’ayons pas échangé un
mot ! J’aurais beaucoup à redire sur votre activité, je la déplore, je
n’aime ni la chasse, ni la corrida, qui me semblent des pratiques barbares,
d’une inutile cruauté, mais comme je m’éloigne, je cours, j’ai à faire, je vous
salue bien poliment, nous n’aurons sans doute plus jamais à nous revoir… »
Emporté par son élan aveugle et l’enthousiasme de
sa course, Victor se heurta à une branche plus basse et le choc le fit vaciller
jusqu’au bord d’un trou, où il manqua de tomber. Il tituba encore un moment,
comme la flamme d’une bougie près de s’éteindre… Puis, il retrouva un semblant
d’équilibre.
Au fond du trou où il risqua un œil, à un mètre
environ de profondeur, Rachel était allongée. Elle portait une robe d’été
blanche et légère, un mince bout de tissu, dans lequel elle aurait frissonné en
toute autre circonstance. Quelques roses d’un rouge vif avaient été
négligemment jetées dans la fosse pour l’accompagner dans l’éternité. Son corps
avait cette impavide indifférence du corps des morts. La pluie aurait pu se
mettre à tomber que cela n’aurait rien changé. Ses yeux sombres en revanche
étaient ouverts : nul n’avait songé à lui rabattre d’un geste doux les
paupières… Et le plus épouvantable était bien sûr ces yeux, leur fixité…
Victor se détourna : rien ne l’obligeait à
s’assurer du néant. Une pelle était restée plantée dans un monticule de terre à
proximité de la fosse. Tout cela était dans l’ordre des choses. On était tous
repartis sans finir le travail, on était si mal payés et Madame n’allait pas
protester, on pouvait remettre cela au lendemain, les morts avaient tout leur
temps… Victor songea que dans un roman gothique, il se serait à coup sûr emparé
de cette pelle, pour recouvrir de terre le corps de son aimée, mais il
n’en avait ni la force, ni l’envie…
« Ma pauvre Rachel, si tu savais… On ne
comprend combien on était attaché à certaines personnes que lorsqu’on les a
définitivement perdues et qu’il est trop tard pour leur dire ce qu’elles
auraient peut-être voulu entendre… Parler n’a jamais été mon fort et si l’amour
est la plus langagière des passions, notre histoire était par ma faute
condamnée dès le début, avant même de commencer… On ne comprend jamais ce qu’il
aurait fallu faire ou dire, que longtemps après… Imagine toutefois ma pauvre
Rachel, que ce soir, dans un infect cahier plein de gribouillis et de dessins
obscènes, j’ai lu nos noms, comme si nous étions devenus les personnages du
rêve d’un autre… Une lamentable pièce de théâtre, dont les dialogues étaient
illisibles, quelle ironie… Comme d’habitude, j’y tenais mal mon rôle, mais
c’était de n’y… »
On frappait à sa porte. Ce n’était certes pas un
bruit lui parvenant de quelque recoin obscur de son rêve : ce vacarme, son
insistance étaient bien réels, comme des coups que l’on aurait portés
sur son propre crâne. Se redressant par réflexe comme un ressort, Victor se
leva et alla ouvrir en maugréant,
Devant lui,
se tenait un parfait inconnu, qui lui souriait d’une façon assez niaise.
L’homme devait avoir trente ans, il était habillé avec la vulgarité un brin
tapageuse d’un nouveau riche et comme s’il était sur le point de partir pour
quelque soirée joyeuse. Victor qui n’avait aucune idée de l’heure qu’il pouvait
être, trouva cela étrange…
Frédéric
Perrot
Quatrième
de couverture
À soixante-seize ans, oubliée de tous et
à demi-folle, Martha Krühl aime se laisser glisser dans un sommeil brumeux. Sa
vie n’est plus qu’un voluptueux ensevelissement dans les eaux troubles du
songe, une lente dérive entre cauchemar et féérie.
Sœur pathétique de l’héroïne de Lewis
Carroll, cette Alice vieillie et alcoolique fait d’étranges rencontres quand la
somnolence la fait passer de l’autre côté du miroir.
Prisonnière d’une ville étouffante qui se
décompose lentement sous un ciel sale et vide, elle cherche à retrouver son
amour fou, ce compagnon qui l’a quittée un jour sans dire un mot…
L’auteur
Quand en 1988, Jérôme Garcin demande à
Jean-Pierre Martinet une courte notice biographique, celui-ci se définit
ainsi : « Parti de rien, Martinet a accompli une
trajectoire exemplaire : il n’est arrivé nulle part. »
Il est effectivement mort alcoolique et
hémiplégique en 1993 chez sa mère à Libourne, où il était né 49 ans plus tôt.
Entre-temps, il avait quand même écrit quelques romans incroyables et un
chef-d’œuvre, Jérôme. Pas si mal.
When routine bites hard and ambitions are
low
And resentment rides high, but emotions won’t grow
And we’re changing our ways, taking different roads
Then love, love will tear us apart again
Love, love will tear us apart again
Why is the bedroom so cold ? You’ve turned
away on your side
Is my timing that flawed ? Our respect runs so dry
Yet there’s still this appeal that we’ve kept through our lives
But love, love will tear us apart again
Love, love will tear us apart again
You cry out in your sleep, all my failings
exposed
There’s a taste in my mouth as desperation takes hold
Just that something so good, just can’t function no more
Then love, love will tear us apart again
Love, love will tear us apart again
Then love, love will tear us apart again
Love, love will tear us apart again
Pour écouter Love will tear us part (Peel Sessions, 1979)
![]() |
Charles Baudelaire, portrait par Alain Minighetti |
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un
couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs
ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que
les nuits ;
Quand la terre est changée en un cachot
humide,
Où l’Espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile
timide
Et se cognant la tête à des plafonds
pourris ;
Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D’une vaste prison imite les barreaux,
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos
cerveaux,
Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans
patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
– Et de longs corbillards, sans tambours
ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce,
despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
Présentation de l’éditeur :
En 1995, à cinquante-deux ans, mourait Jean-Patrick Manchette,
le romancier qui, dans un même mouvement, a profondément renouvelé le polar
français et largement contribué à forger son statut littéraire. Pour le
trentième anniversaire de sa disparition, Nicolas Le Flahec nous propose une
étude qui, pour la première fois, embrasse les différentes composantes de
l’œuvre de Manchette : romans, nouvelles, pièce de théâtre, scénarios,
articles de journaux, traductions, correspondance, entretiens… Des travaux de
commande aux publications posthumes, il redessine les contours d’une production
composite pour en appréhender la cohérence et les tensions, tout en éclairant
les liens qu’entretient Manchette avec Hammett, Chandler ou Westlake, mais
aussi avec Hegel, Marx, Flaubert, Orwell, Perec ou Debord.