lundi 6 janvier 2020

sur Buées dans l'hiver de Marie-Anne Bruch





Buées dans l’hiver de Marie-Anne Bruch a été publié en mars 2019 aux éditions Le Contentieux. C’est un livre très réussi, disons-le simplement, un bon recueil de poésie.
J’aime la clarté et la précision de l’écriture, l’apparente simplicité des poèmes et cette voix qui est sensible : « Fin de l’hiver, fin de la nuit,/si l’amour est une faiblesse,/laisse-moi sur ton épaule/appuyer mon front/fautif. ». Le livre a cette particularité si rare à observer, il est écrit par une femme amoureuse : les poèmes Bon Matin, L’instant parfait, Nature du cœur.
D’autres poèmes traduisent une conscience plus inquiète et plus sombre, ainsi ceux dont le personnage agissant est « La ville » : « La ville n’a que faire/du printemps,/La ville ignore/les jaillissements du désir/et leur préfère/les insidieuses accoutumances. ». Trois poèmes sont construits sur ce modèle : Excès de calme, Comme tout le monde et en fin de recueil, Métropole.
La « ville » est le lieu de l’étouffement par le « vide » et de la domestication des individus par la consommation avec « ses vitrines/aux mannequins cireux/qui n’ont que le plastique sur les os ».
Elle est indéfiniment le lieu de « l’aliénation marchande » : « La ville nous met/en mode automatique,/nos angoisses standardisées/rentrent dans les bons placards ».
Ce triptyque est excellent. Les poèmes que je préfère sont Suivre la pente, Mes absences et Laissez l’horizon tranquille.


Suivre la pente

« Le monde sera toujours
à la fois jeune et vieux
vénéneux et vénérable,
la vie sera toujours
à la fois laide et belle
et nul ne tranchera ce conflit
sans trahir le jour qui vient.

Notre enfance court encore
devant nous, par les champs et les bois,
trop vite pour jamais la rattraper,
notre enfance a la bouche
et les doigts cramoisis
d’avoir cueilli trop de rires bien mûrs
dans les broussailles de la mémoire.

Les jours se ressemblent trop
pour laisser le moindre souvenir,
paroles et pensées
s’assèchent fatalement,
il y a peu à raconter
mais beaucoup à faire,
nous allons devenir
faute de mieux
des êtres efficaces,
on ne nous en demande
pas davantage. »

Marie-Anne Bruch, Buées dans l’hiver
Le Contentieux


                                                    Frédéric Perrot. Janvier 2020

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