samedi 27 septembre 2025

Hugues Jallon, Le temps des salauds


 

Présentation

 

« Le fascisme, ça commence avec les fous, ça se réalise grâce aux salauds et ça continue à cause des cons. » Cette phrase dit la vérité d’un temps, celui où le fascisme commence à exister vraiment. C’est le temps où les masques tombent, le temps des ralliements et des dîners en ville, où l’extrême droite devient fréquentable parce qu’on commence à la fréquenter. C’est aussi le temps des accommodements, des ambiguïtés et des changements de pieds. C’est surtout le temps où des hommes et des femmes responsables, dirigeants politiques, intellectuels, patrons, éditorialistes s’emploient à rendre la promesse fasciste raisonnable. Ce temps-là, c’est le temps des salauds.

 

Hugues Jallon, Le temps des salauds

Éditions Divergences, septembre 2025

samedi 20 septembre 2025

Un nouvel ami

                                                                    pour Mathieu Jung,


Nous marchions sans parler, comme si l’heure tardive nous incitait au silence. Le ciel semblait avoir été badigeonné de noir par une main négligente et nous n’aurions pu nous indiquer du doigt les étoiles et les constellations. Nous n’y songions pas : nous étions l’un et l’autre absorbés dans nos pensées, et je cherchais pour ma part une manière de renouer le fil d’une conversation qui une demi-heure encore auparavant, à cette terrasse de café à proximité de la gare, avait été chaleureuse et animée. En très peu de temps, nous avions sympathisé, il était drôle et vif, et à un moment, comme nos verres étaient vides, il m’avait proposé de faire un tour dans cette petite ville, où nous retenait un retard de train. Mais à présent, où nos pas nous menaient-ils ? Et pourquoi mon nouvel ami ne disait-il plus un mot ? Le plus agaçant, c’était son allure et le fait qu’insensiblement il s’était mis à marcher plus vite, de sorte que j’avais la désagréable sensation de le suivre, comme entraîné dans son sillage. Cela avait même un côté tout à fait ridicule. Il était le véhicule et j’étais la remorque, une remorque qu’il ne semblait pas inquiet de perdre, puisqu’au détour d’une rue, il avait encore accéléré le pas pendant une bonne trentaine de mètres, avant de s’engouffrer sous un porche. J’avais l’impression qu’il avait eu un rapide regard dans ma direction par-dessus son épaule comme pour se confirmer ma présence, mais je n’aurais pu en jurer et j’arrivais presque essoufflé à la hauteur du porche. Je n’avais pas couru pourtant… Où était-il ? S’il se cachait quelque part dans cette masse d’obscurité compacte afin de soudain m’effrayer comme aiment à le faire les enfants, si c’était un jeu, c’était un jeu sinistre, auquel je n’avais vraiment pas envie de jouer et pour me rassurer, je me mis à parler à voix haute. Je ne sais trop ce que je disais, tout en avançant à pas prudents, je cherchais à dédramatiser la situation je crois, en lui laissant entendre que j’avais bien compris son petit manège. Je n’en menais pas large malgré tout et je l’appelais à plusieurs reprises, d’une voix qui me parut péniblement haletante. J’avais par ailleurs le sentiment d’avoir oublié quelque chose, un point essentiel, autour duquel ma pensée tournait sans pouvoir s’en approcher. Pourquoi étais-je ici ? Non pas précisément ici, mais dans cette ville ? Où l’avais-je rencontré, et pour quelle raison ? Mon train ! J’allais rater mon train ! Ce fut à ce moment précis, je crois, que surgissant de nulle part, il se jeta sur moi avec un cri de bête fauve et me précipita de tout son poids sur le sol. À moitié assommé, je cherchais à le repousser, à me débattre, mais de ses deux poings alternativement, il me roua le visage de coups, avant de s’assoir tranquillement sur moi comme un roi sur son trône. Il m’avait déjà arraché ma chemise, avec une facilité déconcertante. Il hurlait, éructait, me mordait au sang, bavait, enfonçait sa langue énorme dans ma bouche, me léchait, tirait soudain sur mes cheveux courts comme s’il avait voulu les arracher de mon crâne par touffes entières, et presque évanoui, j’eus l’idée étrange et furtive que ce n’était plus des mains qui torturaient et déchiraient mon corps, mais des griffes, comme aucun être humain n’en a en fait. Cette sordide étreinte ne finirait-elle jamais et pourquoi cela m’arrivait-il à moi ? Etranges questions… Je dus perdre tout à fait connaissance. Quand je rouvris les yeux, je savais ce que j’avais perdu, je savais ce qu’il m’avait volé, ce qu’il avait saccagé pour toujours. – Pantelant, j’étais étendu nu sur le pavé humide, sous un porche, dans une petite ville dont je ne connaissais même pas le nom.

 

                                                                                         29 août 2025 – Frédéric Perrot

lundi 8 septembre 2025

De simples exécutants

 

« Nous n’avons pas eu d’autre choix que d’exterminer les êtres de ce monde. Nous avons pour la plupart d’entre nous accompli notre devoir sans haine, ni animosité particulière, en vrais professionnels. Tel était le sens implicite de notre mission : faire place nette, afin de pouvoir installer nos instruments de forage qui, depuis lors, fonctionnent à plein régime, extrayant des quantités prodigieuses de minerais rares qui feraient notre fortune, si nous n’étions pas que de simples exécutants. Il y avait même une note confidentielle à l’intention de mon second et moi, qui pour le coup, était fort explicite : Pas de prisonniers. Peut-être ces êtres étaient-ils si rudimentaires qu’ils n’intéressaient même pas nos savants qui d’habitude exigent toujours que soient capturés et ramenés des mondes colonisés quelques milliers de spécimens vivants, afin de pouvoir conduire leurs expériences, leurs terribles expériences que même nous, des mercenaires, ne pouvons imaginer sans frémir. Mon second, qui a des accès de sensiblerie qui m’agacent et m’inquiètent, a eu un mot à ce sujet : Nous les avons tous tués, même les petits, c’est atroce, mais cela vaut mieux que ce que d’autres auraient pu leur faire subir. Il me regardait sans réellement me voir et n’a rien dit d’autre, ne voulant pas se compromettre et prononcer quelque parole séditieuse, qui aurait pu être enregistrée et versée à son dossier : il se méfie de moi, comme je me méfie de lui, avec ses problèmes de conscience… S’il s’imagine en avoir une, c’est ridicule, et s’il recommence à faire des histoires sur la prochaine lune, la prochaine planète, je lui règlerai son compte sans hésiter, sous les yeux des autres, pour l’exemple.»

                                                                       Frédéric Perrot

dimanche 7 septembre 2025

Laura Vazquez, Les Forces (pour Michel)


 

Quatrième de couverture

 

C’est l’histoire d’une fille qui n’est pas d’accord avec l’ordre social.

 

Nos visages sont-ils des images, des devantures ?

Notre attention est-elle devenue une propriété, comme les terrains ?

Est-ce que quelque chose s’est cassé en nous ?

 

De l’enfance à l’écriture, en passant par un bar mystérieux, une maison abandonnée, un immeuble rempli de sectes, ou le sommet d’une montagne, la narratrice nous entraîne dans une odyssée parsemée de miroirs homériques, de chants d’aèdes qui nous montrent le livre en train de se faire.

 

Les Forces reprend et détourne les motifs du roman d’apprentissage.

 

Alternant le prosaïque et le théorique en un éclair, le livre se déploie dans une narration allant du tragique au comique. Nous vivons le parcours initiatique et politique de la narratrice. L’ensemble est porté par une nature perçue comme un flux incessant, une énergie vitale, dont chaque élément peut contenir la totalité. On pense à Fiodor Dostoïevski, à Samuel Beckett, à Simone Weil également dans son approche de la force.

 

Un roman cardinal dans l’œuvre de Laura Vazquez.

 

Laura Vazquez, Les Forces

Editions du sous-sol

jeudi 4 septembre 2025

Lectures de rentrée

 


Pierre Tevanian, Soyons woke

Laure Murat, Toutes les époques sont dégueulasses

Jérôme Leroy, La petite fasciste

Emmanuel Carrère, Kolkhoze