lundi 4 août 2025

Tout un cinéma (pour Matthieu)

 


Le désir s’étiole tout au long du couloir. C’est un long et interminable couloir qui s’étrécit, comme dans les films. Des deux côtés les portes se succèdent en dépit de toute logique. La chambre 241 est l’immédiate voisine de la 53. Peut-être cela a-t-il un sens mathématique secret, mais deux étages au moins devraient les séparer, il me semble. Comme je n’envisage rien d’autre, je toque légèrement à la porte pour ne pas avoir l’impression d’avoir vécu en vain l’heure et demi précédente. Nul besoin de roulements de tambour ou de musique inquiétante. La porte de la chambre 241 s’ouvre sans aucun suspens au bout de quelques secondes. Une pauvre femme à moitié endormie me précise ses tarifs et qu’il ne faut pas faire trop de bruit, parce qu’il y a un enfant qui dort dans la pièce d’à côté. Je me croyais dans un film d’horreur, un récit fantastique, et me voilà balancé dans un truc social, du cinéma belge, et j’ai quand même le sentiment d’y perdre un peu. Je ne vais pas m’attarder, je ne vais pas me comporter comme un personnage de Dostoïevski, un homme du souterrain, je ne vais pas pour le plaisir humilier cette femme et lui faire prendre conscience de son malheur et de son indignité, en étant juste un pauvre type… Je tousse à deux ou trois reprises de façon excessive comme si j’étais gêné : je suis déjà à la porte. J’aimerais seulement avoir une parole humaine pour cette femme avant de déguerpir au plus vite. – Mais je ne trouve rien.

 

 

                                                                     Frédéric Perrot

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