Le
désir s’étiole tout au long du couloir. C’est un long et interminable couloir
qui s’étrécit, comme dans les films. Des deux côtés les portes se succèdent en dépit
de toute logique. La chambre 241 est l’immédiate voisine de la 53. Peut-être
cela a-t-il un sens mathématique secret, mais deux étages au moins devraient
les séparer, il me semble. Comme je n’envisage rien d’autre, je toque
légèrement à la porte pour ne pas avoir l’impression d’avoir vécu en vain
l’heure et demi précédente. Nul besoin de roulements de tambour ou de musique
inquiétante. La porte de la chambre 241 s’ouvre sans aucun suspens au bout de
quelques secondes. Une pauvre femme à moitié endormie me précise ses tarifs et
qu’il ne faut pas faire trop de bruit, parce qu’il y a un enfant qui dort dans
la pièce d’à côté. Je me croyais dans un film d’horreur, un récit fantastique, et
me voilà balancé dans un truc social, du cinéma belge, et j’ai quand même le
sentiment d’y perdre un peu. Je ne vais pas m’attarder, je ne vais pas me
comporter comme un personnage de Dostoïevski, un homme du souterrain, je ne
vais pas pour le plaisir humilier cette femme et lui faire prendre conscience
de son malheur et de son indignité, en étant juste un pauvre type… Je tousse à
deux ou trois reprises de façon excessive comme si j’étais gêné : je suis
déjà à la porte. J’aimerais seulement avoir une parole humaine pour cette femme
avant de déguerpir au plus vite. – Mais je ne trouve rien.
Frédéric Perrot
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