mercredi 22 juin 2022

Witold Gombrowicz, Trans-Atlantique

 



Dans une prose archaïque, parlée plus qu’écrite, je raconte comment, à la veille de la guerre, j’atterris en Argentine, comment l’explosion de la guerre m’y surprit. Moi, Gombrowicz, je fais la connaissance d’un « puto » (pédé) amoureux d’un jeune Polonais, et les circonstances me font l’arbitre de la situation : je peux précipiter le jeune homme dans les bras du pédéraste, ou faire en sorte qu’il reste auprès de son père, un commandant polonais vieux jeu, très honnête et très honorable. Le pousser dans les bras de ce « puto », c’est le livrer à l’inversion, le jeter sur des routes qui ne sont pas tracées, dans une onde où tout devient possible, dans une anomalie qui ne connaît pas de bornes. L’arracher au pédéraste et le restituer au père, c’est le maintenir dans la posture polonaise traditionnelle, honnête et respectueuse.

Que choisir ? La fidélité au passé… ou la liberté d’un devenir ouvert ? L’enchaîner à sa forme ancienne ou lui donner la liberté et qu’il fasse ce que bon lui semble ? Qu’il se crée lui-même ? Dilemme qui aboutit dans le roman à un éclat de rire général qui dépasse jusqu’à ce dilemme.

 

 

C’est ainsi que Witold Gombrowicz présente Trans-Atlantique dans Testament, son livre d’entretiens avec Dominique de Roux. Cela paraît un résumé bien sage de ce court récit, roman, fantaisie, délire qui défie toute description raisonnable. À commencer par son style, en effet « archaïque » et marqué  par une prolifération de majuscules qui n’ont absolument aucun sens, au point que les traducteurs en ont même supprimé quelques-unes ici ou là ! L’absurde y est féroce et agressif, comme chez Gogol ou dans le théâtre de Ionesco, contaminant jusqu’au langage, dont le vide et la bêtise nous sont suggérés presque à chaque ligne… L’écriture de Gombrowicz est volontiers répétitive et obsessionnelle, mais l’auteur développe malgré tout sa comédie de mœurs avec personnages, sa petite intrigue de « puto » et de fils de bonne famille polonaise. C’est de la littérature avant-gardiste et excessivement drôle par moments, bien sûr !

 

 

Witold Gombrowicz, Trans-Atlantique

Traduit du polonais par Constantin Jelenski et Geneviève Serreau.


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