dimanche 9 septembre 2018

Eric Chevillard (Feuilleton)


     « J’espère bien que personne ne nourrit le projet déraisonnable de m’intéresser un jour à Jimi Hendrix. J’ignore tout de ce personnage, de sa musique, je suis si obtus en matière de rock que je me tiens en ce domaine pour une variété de marbre des plus rares. Car enfin, le volt n’est pas l’unité de mesure de la révolte et je ne vois pas que l’on puisse brancher une guitare autrement que pour lui infliger les plus atroces tortures. La mythologie rock, ses icônes, ses idoles, leurs masques de chiens méchants, leurs poses tragiques habillées de panoplies grotesques, leur instinct de rébellion si utile dans le management bien compris d’une carrière triomphale, et même leurs destins lamentablement brisés en vertu de la tradition qui fait aussi vieillir les sénateurs dans leurs fonctions au-delà de l’impotence et de la cacochymie, tout cela excite ma mauvaise ironie. Je veux bien admettre que je n’ai pas d’oreille, mais que l’on cesse alors de me prendre pour un âne en me roulant dans ces farines. Bref, j’ose espérer que nul n’aura jamais la prétention risible de me passionner jusqu’à l’exaltation en consacrant un livre à Jimi Hendrix, me disais-je hier encore. Et voici que Lydie Salvayre publie Hymne. »
      
      J’extrais ces lignes pour moi savoureuses – j’ai eu beaucoup à souffrir dans ma vie du goût de mes amis pour Jimi Hendrix ou Led Zeppelin ! – du nouveau livre d’Éric Chevillard, Feuilleton (Chroniques pour Le Monde des livres, 2011-2017) publié par les Editions La Baconnière.
Dans ce livre tour à tour élogieux et caustique, Éric Chevillard rassemble 153 des 270 chroniques qu’il a données au Monde des livres.
           
Extrait du Préambule : « J’affirme qu’il y a autant d’excellents écrivains aujourd’hui qu’aux époques les plus glorieuses de notre littérature. Cela aussi fut une surprise pour moi. Il est vital de s’aventurer hors de la grande bibliothèque pour jouir sans contretemps des phrases du jour, luisantes et mordantes comme de jeunes serpents. C’est la toilette quotidienne du monde. »




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