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Musée d'Art moderne de Strasbourg |
Pour
écouter le morceau du groupe Suede :
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Hambourg, à l'Aquarium |
Il
s’en prend à sa vie, comme un sculpteur mécontent : à petits coups de
marteau précis.
D’un
thème éculé – Combien nous fatiguent avec leur enfance…
Le
temps essore les souvenirs. La mémoire est la plus vacillante des facultés.
Le
désir n’est pas un oiseau fabuleux qui renaît de ses cendres.
La
mort est lente à venir et nous n’avons pas de mots pour le malheur. Nous n’en
avons pas plus pour le bonheur. La plupart du temps, nous n’avons de mots pour
rien.
La
croyance au progrès de l’esprit humain est une croyance assez niaise. Nous
sommes certes parvenus à préciser l’âge de l’Univers ; mais nous ne savons
guère mieux que nos ancêtres que faire et comment occuper les heures
creuses de l’existence !
À l’agonie,
ce mécréant aurait dit : « Je veux bien admettre l’idée d’un paradis,
mais à condition que l’on puisse s’y ennuyer… »
Contre
les religions – Rien que vos tapis de prière nous embarrassent. Nous avons une
autre idée de l’homme : nous préférons les hommes debout.
Toutes
les religions – Les bouddhistes que l’on nous présente souvent comme de gentils
niais inoffensifs dont il faudrait admirer la sagesse, sont comme tous
les autres parfaitement capables de perpétrer des massacres.
On
vit malgré ce que l’on sait et l’on meurt en emportant le peu que l’on aura
compris.
Oubli
est le nom plus doux que nous donnons au néant.
Contre
le ressentiment et la tentation des paroles haineuses. La haine n’a pas besoin
de toi pour se bien porter.
On
n’est pas artiste quand on est aigre et que l’on enseigne la résignation :
ce « courage ridicule » comme le notait Stendhal.
En
art et en tout, la vulgarité consiste à flatter les sentiments supposés du plus
grand nombre.
La
revanche des médiocres – Un esprit médiocre se reconnaît à ses efforts pour
tout ramener à son lamentable niveau et à son incapacité d’admirer sincèrement
quoi que ce soit. Un esprit médiocre ne se soucie pas des œuvres, il ne
s’intéresse qu’à leurs auteurs, dont il monte en épingle les ridicules et les
défauts. Sa haine de la grandeur trahit le lilliputien.
La
biographie est un genre faux. Personne n’a jamais accès à la vie
intérieure d’un autre ; or, seule compte la vie intérieure…
Emotion
à géométrie variable. Il est bien vain de pleurer des morts célèbres et de ne
rien éprouver face à la peine de ses proches.
Sans
amour la vie est sans saveur.
Avec
certains êtres, il n’y a rien à faire. Ils n’admireront jamais que l’apparat.
L’ironie
est délicieuse et agréable, quand on s’adresse à une personne qui pense exactement
tout ce qu’il faut penser sur tous les sujets possibles. Hélas, pour ne pas
paraître « à ses yeux » idiot et superficiel, il faut toujours, à un
moment ou à un autre, préciser que l’on était ironique !
Ne
cède pas à la tentation dangereuse de renoncer.
Témoigner
de ce que la vie a d’intolérable est une noble et juste ambition. C’est le
travail du négatif, qui doit être poursuivi inlassablement. Mais il faut non
moins et d’un même mouvement, témoigner de ce que la vie a de merveilleux.
Ce n’est que dans ce double mouvement contradictoire que l’on peut espérer
toucher au sentiment tragique de la vie, derrière lequel courent tant de
philosophes sans y parvenir.
Il
ne faut pas accorder à la mort des privilèges qu’elle a déjà sans notre accord.
La
mort est le plus démocrate des juges. Son verdict est le même pour le riche et
le pauvre, le puissant et le faible : on pourrait continuer longuement ce
jeu d’oppositions. Il est à la source de quelques belles fables consolantes.
Mais nous savons bien que cet égalitarisme final est aussi édifiant que faux.
Que le riche meure n’a jamais consolé personne des inégalités et des franches
injustices sur lesquelles il a prospéré.
La
mort s’émeut dans la chambre… Comme si une voix, quelque part, disait :
« Non, finalement, je reviendrai plus tard… »
…………………………………
Paul
Valéry, cet incrédule délicat, vouait une sorte de culte à l’Esprit, qu’il
dotait d’une majuscule. Mais combien souvent l’esprit ne réfléchit qu’aux
possibilités concrètes de son anéantissement...
Le
suicide, comme toute idée fixe, ne mérite ni patience, ni clémence. En théorie,
et sans considérer le malheur dans lequel tant d’êtres se débattent…
L’alcool
devrait être remboursé par la Sécurité sociale : le vin est moins nocif
que la pharmacie des psychiatres et permet du moins à quelques solitaires de
supporter leur existence !
Avoir
toujours voulu être le médecin de soi-même et comprendre que sa vie
future dépend de quelques spécialistes aux tarifs exorbitants…
La
probité intellectuelle nous retient de conclure, de quelque façon. Mais surtout
pas par un mot de consolation
Je
ne sais pas plaider ma cause. Mais mérite-t-elle vraiment d’être
défendue ?
Frédéric Perrot.
Novembre 2023.
Personne
n’a besoin de me parler de mes écrits – oralement j’entends. C’est inutile car
ils prennent naissance dans un monde étrange et méprisable, empli d’une cruauté
féroce et animale.
On
ne palabre pas avec un caïman affamé, on l’esquive, on le fuit puis on l’oublie.
Ses écrits perdureront et évolueront par eux-mêmes, tout comme voyagent les
livres, au gré de rencontres éphémères ou non.
Toutes
ces têtes dans mon panier. Tous ces mots rangés là, dans la cervelle, dans des
petits tiroirs amovibles. On ne sait pas lorsque cela s’échappe et s’emboîte,
ni pourquoi ni comment.
Le
dernier m’ayant dit qu’il fallait bien être doué pour quelque chose je l’ai pris
pour un escargot. Je revendique le droit à davantage de sollicitude à l’égard
de mes écrits. Belle utopie rongée par les vers.
Le réveil sonne
alarme sursaut
tu sens comme des milliers de pointes
de couteaux qui se plantent
dans ton ventre et dans ta tête
et un peu partout dans ta viande
sortir du lit
dehors c’est encore nuit
tu avales un café
et écoutes ton cœur s’accélérer
battre battre battre
combattre
pas encore tout à fait mort
mais tu as des choses qui s’éteignent en
dedans
et les rêves que tu suicides doucement
dans le vitriol des jours
tu enfiles un pull épais et puis ton blouson
tu cherches au fond de tes poches
un peu de force tiède
avant d’aller décharger les camions
à l’arrière d’un grand magasin
comme chaque matin
pour gagner ta vie
une vie dont tu ne sais plus vraiment
quoi faire
maintenant qu’elle est remplie
de tout un tas de rêves
assassinés
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Franquin, Idées noires |
S’retaper putain, j’sais pas par où
commencer
Y a 40000 démons et j’suis tout encrassé,
Don Quichotte avait ses moulins moi mes
angoisses,
Et l’ensemble des vices dans lesquels j’me
prélasse ;
Par où commencer derrière y a que du
gâchis,
Des thunes par les f’nêtres et la négation
d’une vie,
Le pire c’est le permis de vivre le droit
de continuer
La chandelle ses deux bouts ont totalement
cramé ;
Quand je pense que ça c’est même pas le
pire
Y a l’étage du d’ssus où y a tout à
reconstruire.
S’retaper putain, j’sais pas par où
commencer
Mon cerveau de shiteux est tout
congestionné ;
Si dans une maison y a des murs portant,
Faut croire qu’dans ma tête y a des
neurones fléchissant,
Fléchissant sous l’poids des journées
inexploitées
Où j’ai rien appris, rien ret’nu, rien
ingéré,
C’est bête de détruire les moyens dont on
dispose
Tel un esclave soumis créant sa propre
sclérose
Si on m’ tirait une balle entre les deux
yeux
A présent on manquerait le cerveau de
peu ;
S’retaper putain, et faire ça sur la
durée,
Accepter d’en chier éviter d’se défiler
Car pour esquiver les responsabilités
J’peux trouver mille raisons j’crois
qu’faudrait m’arrêter ;
Pour aller loin paraît qu’faut prendre
soin d’la monture
J’suis déjà au stade où j’ai mal aux
jointures,
J’me d’mande même c’que c’est qu’cette
prise de conscience
J’connais bien la machine, j’ai pas
d’grandes espérances
Maintenant quand j’fais du sport je vois
bien qu’ je crache,
Les autres i (z) accélèrent moi j’prie
pour que rien ne lâche.
S’retaper putain, j’sais pas par où
commencer
V’là un p’tit calcul qui devrait
m’motiver :
Prenez dix euros tous les deux jours sur
dix ans,
Ça fait dix fois 365 fois 10 ans,
Divisé par deux car j’ai dit tous les deux
jours,
Ça fait 119712 francs lourds
La moto d’mes rêves et payée rubis sur
l’ongle
Et encore pire y a assez pour un tour du
monde
Et dire que j’roule dans une Twingo qui
sent le shit
Quelle idée c’ calcul j’aurais pas dû
donner suite…
S’retaper putain, j’sais pas par où
commencer
Même si j’partais d’là ça s’rait plus
qu’une épopée ;
Le constat une fois dressé fait que je
retarde
Le quidam que je suis a la détresse
bavarde ;
Je n’peux pas être et renier c’que j’ai
été
Et je n’peux plus paraître sans qu’on
sente le fossé
Entre c’que j’voudrais être et l’complice
dans l’miroir
Qui m’dit dix ans qu’tu as dormi comme un
loir ;
Quand ce constat plane et qu’t’en as 3
dans l’cornet
Autant dire à un tueur que c’est mal de
tuer.
S’retaper putain et faire ça surtout pour
celle
Qui partagera ma vie et s’ra un peu ma
reine,
Être sain, solide, le creux des épaules
rassurant,
Garder la tête claire pour les devoirs des
enfants.
Intuitive, patiente, elle aura sûrement
senti
Que j’suis à la fois l’homme sur lequel on
s’appuie
Et l’autre tellement fort qu’il faut qu’on
lui prenne la main
Qui cale un tout p’tit peu tout seul en cours
de ch’min
Qui s’dit qu’il est absent de plus en plus
lointain
Qui s’dit qu’il est urgent de s’retaper
putain.
Autre poème de Guillaume sur le blog :
La Gitane et le Bipolaire
https://beldemai.blogspot.com/2017/11/la-gitane-et-le-bipolaire-un-poeme-de.html
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Hambourg |
L’amour s’en va
C’est la débandade
générale
Plus rien ne tient debout
Les femmes ont d’autres
chattes à fouetter,
Annonce d’une voix grave
l’animateur radio
Dans un débat au titre
prometteur
Guerre des sexes,
Fantasme ou
réalité ?
Mais cela se passe
Cela se passe
Plus tristement
De façon plus concrète
L’amour s’en va
Comme un voyageur
insignifiant
Dont on n’aperçoit que le
dos
Et la valise à roulettes
L’amour s’en va
Comme un train de
banlieue obsolète
« De mon temps il
partait à vingt et une heures vingt-sept »
Et vole en mille éclats
L’ultime miroir aux
alouettes
L’amour s’en va
Chassé de partout comme
un pauvre en goguette
L’amour s’en va
Et c’est pour ça que votre
fille est muette
L’amour s’en va
L’amour s’en va
Rangez vos mouchoirs et
vos kleenex
Car nul ne le
regrette !
Frédéric Perrot
Je n’aime pas les gens qui crachent dans
la soupe
Je n’aime pas les gens qu’un rien fait
parler
Ou sourire
Je n’aime pas les gens qui lèchent les
pages des livres
Sous le prétexte de les tourner
Je n’aime pas les gens qui me demandent
Où j’ai l’intention de passer la soirée
Je
n’aime pas les gens
Je n’aime pas les gens qui pètent
Même intellectuellement
Je n’aime pas les gens qui empestent l’ail
La buffleterie ou la soutane
Les sous les choux la crotte et l’empressement
Je n’aime pas les gens qui se tripotent en
regardant les femmes
D’une façon manifeste
Je
n’aime pas les gens
Qui prétendent réglementer ma vie
Mon temps mes goûts mes écarts de langage
Qui non contents de rigoler aux premiers bafouillements
Venus d’un homme du monde avec politesse
Trouveraient mauvaise la moindre
De mes pensées
Je n’aime pas les gens je vous dis que
Je
n’aime pas les gens
Parce qu’ils sont effroyablement bornés et
stupides
Parce qu’ils déjeunent et dînent aux
heures fixées
Par leurs parents parce qu’ils vont au
théâtre à l’école
À la revue du Quatorze
Juillet
Parce qu’ils se marient voyagent de noces
Foutent légalement des enfants
Qui seront enregistrés au jour dit
Deviendront soldats putains en carte
Fonctionnaires
Préposés aux chalets de nécessité les plus
divers
Parce que quand on a fini on recommence
Parce que de tous les sentiments imbéciles
Le sentiment familial est non seulement
Le plus répandu mais le plus
Révoltant et je te baise et je te tapote
Et tout de même c’est si gentil les
enfants
On a beau dire et puis
Ils font des mots d’esprit et des farces
Apprennent quand il faut une fable un
compliment
Parce que tous ces pains d’épice
Quand ça me chante de ne rien faire comme
eux
En causent et s’étonnent
Parce que je les dégueule que je
Hausse les épaules devant les boas de
leurs femmes
Les cerceaux de leurs rejetons
Les appartements de leurs bedaines
Parce que moi
Je ne suis pas en règle avec le maire et
la patrie
Que je ne me cache pas l’horreur qu’ils m’inspirent
Parce que
Je
n’aime pas les gens