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Clint Eastwood (portrait par Eric Doussin) |
Pour
écouter Clint Eastwood par Gorillaz :
https://youtu.be/I7yqFVEvdY0?si=RQ8c0BC85WIG74hh
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Clint Eastwood (portrait par Eric Doussin) |
Pour
écouter Clint Eastwood par Gorillaz :
https://youtu.be/I7yqFVEvdY0?si=RQ8c0BC85WIG74hh
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Jarvis Cocker, portrait par Anthoni |
Ce sera une brève ! Vingt-quatre ans après We love life, Jarvis Cocker et Pulp, sont de retour, avec un nouvel album, More, annoncé pour le 6 juin. Spike Island est un excellent single. Cerise sur le gâteau : l’album est produit par le très couru James Ford, Gorillaz, Fontaines D.C., Depeche Mode.
Pour écouter Spike Island :
Je
vois votre dos courbé, et il m’émeut, votre dos, il m’émeut au point d’avoir
envie de pleurer, moi qui n’ai ni pleuré de rire ni pleuré de tristesse ou de
joie ou d’affection ou de rien depuis bien longtemps, je crois. Votre dos, je
ne peux cesser d’écrire ce mot, est-ce la sensation de mouillé, est-ce sa
courbure, son épaisseur si concrète, me rappelle l’ours de la fosse du Jardin
des plantes, pendant les inondations de Paris et de sa banlieue, en 1910. De
tout le lot de photographies que j’ai trouvé aux puces, avant mon mariage avec
Mallaury, je n’ai conservé que celle-ci. On le voit à moitié dans l’eau, la
tête penchée. Au-dessus, on distingue une petite foule avide d’impressions
fortes, pressée contre la grille, à l’observer en surplomb. C’est poignant.
Une
fois, je l’ai montrée à Mallaury. Il connaissait l’histoire de cette crue,
qu’il m’a racontée. Il a aussi dit : si seulement les entrepôts pouvaient
être submergés aujourd’hui comme les stocks des éditeurs et libraires de
l’époque, ça écrémerait salutairement la production actuelle. Nous n’avons pas
parlé de l’émotion qui m’a saisie, qui me bouleverse encore, quand je la
regarde.
Je
vois votre dos, et je pense à celui de l’ours. Vous n’êtes pas un bel animal
pris par les eaux, vous n’avez pas peur du danger, vous travaillez dans ce
restaurant où nous mangeons et buvons et où après un gage d’adolescent à peine
pubère des autrices s’embrassent, vous lavez le sol des toilettes, et je vous
regarde le laver, je suis restée debout près de la porte, je distingue
maintenant un petit chemin non nettoyé qui pourrait mener jusqu’à une des
toilettes, toutes sont ouvertes, il n’y a personne d’autre que nous, vous qui
lavez, moi qui vous regarde, je ne sais plus bien pourquoi je suis entrée ici,
je reste, c’est tout, à vous regarder alors que vous ne me voyez pas, pas
encore, non, on ne se voit pas, on ne se voit pas encore.
Je
vous regarde laver le sol, et voici ce qu’il me semble : vous n’agissez
pas parce que le protocole indique son exécution comme ci ou comme ça, pour
vous conformer, affecter d’avoir une occupation, répondre aux ordres du chef,
pour un bonus sur votre salaire ou montrer du zèle au risque de déplaire aux
collègues, car normalement votre emploi se résume strictement à celui, selon la
fiche de poste, de serveur, vous vous comportez ainsi parce que vous voulez
prendre soin.
Vous
voulez, aimer.
Séverine Chevalier,
Théorie de la disparition
La Manufacture de livres,
janvier 2025
Pitoyable
frère ! Que d’atroces veillées je lui dus ! « Je ne me saisissais
pas fervemment de cette entreprise. Je m’étais joué de son infirmité. Par ma
faute nous retournerions en exil, en esclavage. » Il me supposait un
guignon et une innocence très bizarres, et il ajoutait des raisons inquiétantes.
Je
répondais en ricanant à ce satanique docteur, et finissais par gagner la
fenêtre. Je créais, par-delà la campagne traversée par des bandes de musique rare,
les fantômes du futur luxe nocturne.
Après
cette distraction vaguement hygiénique je m’étendais sur une paillasse. Et,
presque chaque nuit, aussitôt endormi, le pauvre frère se levait, la bouche
pourrie, les yeux arrachés, – tel qu’il se rêvait ! – et me tirait dans la
salle en hurlant son songe de chagrin idiot.
J’avais
en effet, en toute sincérité d’esprit, pris l’engagement de le rendre à son
état primitif de fils du Soleil, – et nous errions, nourris du vin des cavernes
et du biscuit de la route, moi pressé de trouver le lieu et la formule.
Pour lire le très bon article de Marie-Anne Bruch sur le roman d’Albert Cossery, Mendiants et orgueilleux, que l’on peut légitimement tenir pour un chef-d’œuvre méconnu :
https://laboucheaoreilles.wordpress.com/2025/03/21/mendiants-et-orgueilleux-dalbert-cossery/
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Michel Meyer, Good Night, 2022 |
Éros et Thanatos sont
dans un bateau
un documentaire de Michel
Meyer
le jeudi 8 mai, à 20h, au
DIVANOO, à Bischheim
- une exploration du
continent dépressif -
La dépression est un mot
valise, comme tous les mots, et évoque un phénomène très répandu, en France
comme ailleurs, qui explique sans doute le succès d’un Houellebecq, l’écrivain
dépressif de la dépression pour déprimé.e.s.
Le film ne parle pas de
la pathologie lourde, mais de celles issues des revers de la vie, qui sont,
avec un peu de distance, réellement passionnantes, à vivre comme des moments de
gestation profonde.
Il est également question
de dépression sociétale, plus perverse, induite par des événements comme
l’érosion des régimes démocratiques, ou le conflit israélo-palestinien, la
COVID, ou encore simplement les réseaux sociaux, tout ce qui clive ou divise le
corps social, et interroge le monde contemporain. Ce sont des questions qui ne
se posent pas dans ce film, qui a dix ans, et est travaillé par d'autres
problématiques.
Le film n’est pas
anxiogène, il est même souvent drôle, car l’humour a partie liée avec le
malheur, comme le savent les clowns et les humoristes.
C’est un film de paroles
et d’images, qui se passe à Strasbourg, Paris et Marseille.
Texte
de Michel Meyer