mardi 25 octobre 2022

Assez de gémissements et d'indignations ! (un extrait de Raoul Vaneigem)

 


Assez de chants funèbres au milieu des décombres ! Le système dont nous dénonçons la barbarie a été produit par l’homme, à l’encontre de ce qu’il y avait en lui d’authentiquement humain.

Dans l’infinitude des expériences auxquelles elle se livre, la vie a créé une terre habitable, elle a réuni les conditions d’apparition et de disparition de créatures aussi différentes que les dinosaures et le rameau néanderthalien de l’efflorescence hominienne.

Foin du fatras métaphysique qui a fait si longtemps mystère de cette exubérance expérimentale dont nous sommes issus et dont nous faisons partie ! Car si l’hominien n’est qu’un élément, parmi beaucoup d’autres, de cette vie dont la nature est d’expérimenter sans relâche, c’est le privilège extraordinaire qui, dans le brassage chaotique de la forge universelle, a été attribué à notre espèce.

Nous sommes partie prenante de cette vitalité partout à l’œuvre. Nous sommes dotés de la faculté de nous créer et de recréer le monde, à l’image de cette vie que la transformation de notre potentiel créatif en force de travail va déformer en une représentation caricaturale et monstrueuse, en une entité extraterrestre, en un Dieu dévoreur d’énergie auquel la force vive des femmes et des hommes sera méthodiquement sacrifiée.

Nos ancêtres, obéissant à un choix douteux, furent les fauteurs d’une expérience malencontreuse (pour fondamentale qu’elle fût, elle n’est pas le seul exemple d’une orientation autodestructrice : la fission de l’atome en est un autre). Ils ont substitué à une société évoluant en symbiose avec la nature une économie de pillage et de viol, une société criminelle, dénaturant nature terrestre et nature humaine. Les vouer aux gémonies ne ferait que prendre à contre-pied ces apologistes de la société patriarcale qui, de Gilgamesh aux historiens et aux archéologues, professent que l’invention de l’agriculture et du commerce « offrait » la plus sûre garantie d’un bien-être pour tous.

Nous continuons d’avoir le mal d’un pays que nous ne connaissons pas, parce que nous n’avons jamais résolu vraiment de l’explorer.

 

 

Extrait de la quatrième de couverture :

 

Raoul Vaneigem, né en 1934, est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations (Gallimard, 1967) et Histoire désinvolte du surréalisme (réédition Libertalia, 2013). L’on constatera dans ce petit essai poétique et politique qu’il n’a rien perdu de sa pugnacité. Une prose explosive qu’il met au service de la révolution et de la sauvegarde de la planète, ici et maintenant.


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