lundi 25 août 2025

Fontaines D.C. I love you, Rock en Seine (Isatagada vidéo)

Décharge mentale

Décharge mentale

« Vous avez trop tendance à prendre mon esprit pour une décharge où vous pouvez tranquillement déposer toutes vos saletés et vos ordures. Ma faiblesse, ma vulnérabilité psychique vous offrent certes un terrain favorable, mais j’aimerais malgré tout que vous preniez un peu moins vos aises à mon endroit. Vous ignorez à quel point vos mots, vos soucis, vos opinions, vos jugements hâtifs, vos vues sans originalité, me pénètrent et me sont nocifs, et combien ensuite, je dois fournir d’efforts pour m’en débarrasser comme d’une substance étrangère, qui très clairement, m’amoindrit, agit à la manière d’un poison… Plus profondément vous ignorez à quel point votre mesquinerie, votre cynisme, votre méchanceté, votre bêtise satisfaite, atteignent toujours leur cible, comme des fléchettes. Ne pourriez-vous pas seulement les tirer parfois dans une autre direction ? »

Régénération

Dans ses moments d’abattement, il aspire à un long sommeil sans rêves, un sommeil de souche qui ne durerait pas que quelques heures, mais s’étendrait paisiblement sur des mois, des années, tout le temps nécessaire, et au terme duquel, il lui semble qu’il pourrait enfin se réveiller sans fatigue, ni dégoût, libéré de ses souvenirs et de ses regrets, soulagé de ses douleurs et ses peines, prêt à vivre dans la peau d’un homme neuf. – Dans ses moments d’abattement, une telle régénération lui paraît très souhaitable.

Seconde décharge

« Si j’en juge d’après ma pitoyable expérience, cette vulnérabilité psychique qui vous a tant intéressé lors de notre précédente séance, une idée qui n’a rien d’original pour moi, est seulement la disposition d’une personnalité faible, voire inexistante, à se laisser imprégnée et dirigée par la pensée des autres. Parce que la pensée des autres ne rencontre aucune résistance et peut aisément prendre toute la place en cet espace vide. Parce que le sentiment d’un moi différencié n’existe par moments pas du tout ou à la façon d’un feu de paille dans une tempête. Parce que la pensée des autres est plus forte dans tous les cas et s’impose presque naturellement. Parce que, c’est comme ça et parce que cela semble obéir aux strictes règles d’une certaine nécessité… Les effets concrets d’une pareille prise de contrôle ne se font jamais attendre. Vous êtes agis par la pensée des autres, vous prononcez des mots, des phrases, vous accomplissez des actes, dont vous sentez bien qu’ils ne sont pas les vôtres, ne vous appartiennent pas, des actes qu’il vous arrivera de regretter amèrement, parce qu’ils auront précipité quelque malheur, approfondi quelque désastre intime que dans une autre vie, vous auriez pu peut-être éviter ou retarder, allez savoir ! – D’autre part, si j’en juge toujours d’après ma pitoyable expérience, seuls certains êtres particulièrement vils et tortueux sont sensibles à cette faiblesse que vous avez tout intérêt à tenir secrète : de même qu’Achille aurait dû emmailloter son talon s’il n’avait pas été qu’un pauvre guerrier brutal, désespéré par la mort de Patrocle. C’est un phénomène étrange, non extraordinaire, qui a une forme d’équivalent il me semble dans le règne animal, je ne saurais le dire autrement : c’est comme si votre faiblesse, votre vulnérabilité les attiraient irrésistiblement, les aimantaient, les guidaient jusqu’à vous selon une trajectoire inflexible… Mais je vous prie de croire que dès qu’ils se sont assurés que vous êtes bien leur proie, celle qu’ils ont sentie, perçue par-delà les lieux et par-delà les distances, ils se jettent sur vous, comme des chiens affamés, et s’ils ont parfois l’allure d’une femme séduisante qui un moment vous fait tourner la tête, ne vous-y trompez pas, ce sont des prédateurs, des vampires qui ne chercheront qu’à faire de vous leur chose. Leurs attaques psychiques seront incessantes, humiliantes, dévastatrices : vous aurez la sensation d’un viol permanent, ils se nourriront de vos souffrances et de vos tourments et jamais rassasiés, démons insatiables, ils vous feront plonger la tête la première dans les marécages de la folie. Non, je n’exagère en aucune façon. On sous-estime en général l’énergie que peut déployer un être pour en détruire un autre. Et je ne parle ici que de quelques spécimens significatifs et méprisables de cette sinistre engeance, dont il ne faudrait pas oublier qu’à un autre niveau, hors de ces banales histoires de chambres à coucher, elle dirige tout bonnement le monde. Vous allez encore me dire que j’exagère et verse dans la paranoïa, voire le conspirationnisme, mais les maîtres connus et identifiés de cette misérable planète, ces hommes d’état crapuleux, ces banquiers, ces militaires fanatisés, ces grands industriels, tous des brutes, des escrocs, des sociopathes, des criminels, que sont-ils d’autre au fond que des prédateurs, des vampires ? Ils n’ont certes pas besoin de se cacher dans des caves, des souterrains, des bâtiments abandonnés, où fuir la lumière fatale du jour, c’est même tout le contraire, ils paradent sans cesse comme s’ils ne dormaient jamais, et à toute heure du jour et de la nuit leurs hideuses images investissent nos écrans, leurs hideux discours nous agressent et nous blessent et nous meurtrissent, non, non, ils n’ont pas besoin de se cacher, cette affreuse clique n’est pas une société secrète, c’est très visiblement, aux yeux de tous et en profitant de l’impuissance générale, du désespoir et de la misère de l’immense majorité, qu’ils conduisent ce monde à sa perte… Et n’oubliez pas si vous trouvez que j’exagère, que certains de ces fous furieux, de ces milliardaires décérébrés nourrissent l’ambition d’étendre leur malfaisance au-delà de notre pauvre globe, sur d’autres planètes, jusqu’aux confins peut-être de cette banlieue sordide de l’univers ! Oh, n’en doutez-pas, s’ils y trouvaient un intérêt économique quelconque, ils bombarderaient même le soleil ! Des vampires, je vous dis… »


                                                                                                          Frédéric Perrot

vendredi 22 août 2025

La pantalonnade démocratique

 


Le texte qui est aussi dans mon esprit un hommage à Herman Melville, a été écrit à partir de fragments découpés par l’ami Éric Doussin dans un livre. Frédéric Perrot

lundi 4 août 2025

Tout un cinéma (pour Matthieu)

 


Le désir s’étiole tout au long du couloir. C’est un long et interminable couloir qui s’étrécit, comme dans les films. Des deux côtés les portes se succèdent en dépit de toute logique. La chambre 241 est l’immédiate voisine de la 53. Peut-être cela a-t-il un sens mathématique secret, mais deux étages au moins devraient les séparer, il me semble. Comme je n’envisage rien d’autre, je toque légèrement à la porte pour ne pas avoir l’impression d’avoir vécu en vain l’heure et demi précédente. Nul besoin de roulements de tambour ou de musique inquiétante. La porte de la chambre 241 s’ouvre sans aucun suspens au bout de quelques secondes. Une pauvre femme à moitié endormie me précise ses tarifs et qu’il ne faut pas faire trop de bruit, parce qu’il y a un enfant qui dort dans la pièce d’à côté. Je me croyais dans un film d’horreur, un récit fantastique, et me voilà balancé dans un truc social, du cinéma belge, et j’ai quand même le sentiment d’y perdre un peu. Je ne vais pas m’attarder, je ne vais pas me comporter comme un personnage de Dostoïevski, un homme du souterrain, je ne vais pas pour le plaisir humilier cette femme et lui faire prendre conscience de son malheur et de son indignité, en étant juste un pauvre type… Je tousse à deux ou trois reprises de façon excessive comme si j’étais gêné : je suis déjà à la porte. J’aimerais seulement avoir une parole humaine pour cette femme avant de déguerpir au plus vite. – Mais je ne trouve rien.

 

 

                                                                     Frédéric Perrot