mercredi 13 avril 2022

L'enseveli vivant (avec un dessin d'Eric Doussin)

Eric Doussin


« L’idée la plus naturelle à l’homme, celle qui lui vient naïvement, comme du fond de sa nature, est l’idée de son innocence. » (Albert Camus, La chute)

                  

 

Sur une plage oublieuse, l’enseveli vivant proteste encore, non pour la forme, mais d’une voix claire, pour évoquer homme jusqu’au bout, son innocence… Il y a dû y avoir une erreur ; car ce n’est pas par jeu qu’il est enterré ainsi, il n’a pas été la victime amusée et consentante d’une bande d’enfants, il n’y a jamais eu d’enfants ici, ni de châteaux fragiles assiégés par les vagues, la plage est déserte et il est enterré réellement : sa tête seule dépasse du sable blanc qui tout autour de lui semble s’étendre à perte de vue.

 

Sur son visage qu’il aimerait tendre obstinément vers le ciel et la nuit vers les étoiles, il sent le vent venu du large, ses violentes rafales, qui le harcèlent et le soumettent. Le sable en tourbillonnant lui meurtrit les yeux et la rumeur des vagues qui s’abattent sur le rivage, le chant infini et monotone de la mer, ne le consolent pas de devenir lentement aveugle… Quand le vent tombe, il crie ou pleure mais en ce désert nul ne l’entend, homme jusqu’au bout, protester de son innocence.

 

 

          Le texte a été écrit en août 2014. Frédéric Perrot

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire