Pour mon frère Marc,
Dans quelques heures, au crépuscule, nous prendrons la fuite,
nous quitterons une ville où il ne nous est plus permis de vivre, une ville en
état de siège où nous sommes devenus indésirables et où on nous pourchasse
inlassablement pour nous abattre comme des chiens…
Et
tant pis si cela ressemble à un suicide, ce soir au crépuscule, nous prendrons
la fuite… Et tant pis si nous risquons d’y laisser notre peau, de toute façon
je ne donne pas cher de nos peaux si nous restons et nous condamnons à
nous cacher encore et sans cesse… Et tant pis si les hommes aux portes de la ville
ont des armes automatiques et tirent à vue sans se poser plus de questions, ils
ont des ordres, les imbéciles…
Nous
aurons osé, nous ne sommes pas nés pour nous laisser tuer sans combattre, nous
ne serons pas des agneaux dociles que l’on conduit à l’abattoir : on nous
traite comme des chiens, nous serons des chiens, mais des chiens féroces, des
chiens enragés qui vous sautent à la gorge…
Et
tant pis si cela ressemble à un suicide, ce soir au crépuscule, nous prendrons
la fuite… Et tant pis si notre « pourcentage de réussite » comme disent
tous les prudents – des agneaux désignés – est quasiment nul : de toute façon je ne
donne pas cher de nos peaux si nous restons même un jour de plus dans une ville
où il ne nous est plus permis de vivre…
Même
un jour de plus, cela n’est plus possible : nos noms figurent sur leurs listes,
leurs listes noires, qu’importent nos crimes prétendus, pauvres, tarés, ennemis
de l’intérieur, tous lamentables rebuts, qui pour une raison ou une autre
seront de toute façon tôt ou tard abattus…
Au
moins nous aurons osé, nous ne sommes pas nés pour nous laisser tuer sans
combattre, nous ne serons pas des agneaux dociles que l’on conduit à l’abattoir :
on nous traite comme des chiens, nous serons des chiens, mais des chiens
féroces, des chiens enragés qui vous sautent à la gorge…
Et
tant pis si cela ressemble à un suicide, ce soir au crépuscule, nous prendrons
la fuite, car nous sommes sans espoir particulier et telle est notre force…
Et
tant pis si courant vers les portes de la ville, nous courons à la rencontre de
notre destin… Au moins nous aurons osé et nous ne mourrons pas en inclinant encore
la tête…
Le texte a été écrit en 2007. C’est ici une version légèrement revue.
Frédéric
Perrot
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