Dans l’hypothèse où l’on n’aurait pas daigné le remarquer, je tiens à le préciser : je cherche toujours un corps, je cherche toujours une forme où enfin, il me serait loisible de vivre et d’être à ma manière. J’ai été tenté par toutes les métamorphoses, mais aucune transformation ne m’éloignait suffisamment de moi. Ainsi, sans effort particulier, en me laissant bercer par la douce illusion que rien ne me retenait, je suis devenu toutes sortes d’objets dont l’immédiate proximité semblait favoriser un échange pour moi agréable… Et, en des instants délicieux, j’ai été un impeccable tapis de bain où le pied avait plaisir à se poser, une confondante fourchette que l’on pouvait sans crainte porter à sa bouche et même un jeu d’enfant à la fois futile et passionnant. Encouragé par ces premières victoires et désireux de ne pas me limiter à la sphère domestique, j’ai voulu pousser plus loin mes investigations, et, en me laissant aller à ma pente naturelle, j’ai dégringolé de l’animal au végétal et du végétal au minéral. Il me faut noter que je ne dis « dégringoler » que par souci des convenances. Personne en vérité ne parviendra à me convaincre qu’il vaut mieux, au hasard, être homme que mollusque, mollusque que lichen et lichen que caillou, les hiérarchies établies étant souvent trompeuses… Ceci étant dit, ce n’était pas satisfaisant et ce n’était jamais assez. A la fin, il me fallait revenir à mon corps d’origine – au lieu de ma défaite –, et espérer encore la surprise d’une issue demeurée jusque-là secrète.
Le texte a été écrit au début des années 2000. Frédéric Perrot.
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