Après des années de refus et de procrastination, je
rentre dans le rang. Avec le fanatisme des tout récents convertis, je ne jure
plus que par le développement durable de ma personnalité.
Il s’agit en effet pour moi et de toute urgence d’être
épanoui, serein, ouvert, tolérant.
C’est trop pour un seul homme, aurais-je encore dit
hier avec mon affreux scepticisme.
Mais j’ai mûri, considérablement mûri et je peux à
présent prononcer sans ricaner des mots tels que adulte, résidence
pavillonnaire, maternité, paternité, assurance-vie.
Bientôt, à n’en pas douter, on me verra même faire du
sport ou signer des chèques pour des associations caritatives.
J’ai évidemment arrêté de boire et de fumer et je ne
sucre plus mon café.
J’ai de même cessé d’écouter des musiques dépressives
ou de lire des auteurs subversifs.
D’un mot, j’en ai fini avec mon snobisme pour me
réconcilier avec le goût de tout le monde.
Et les résultats sont probants ! On s’accorde à
me trouver meilleure mine et je n’entends plus retentir au-dessus de ma tête
toutes les sirènes d’alarme du consensus social.
Individu rétif potentiellement dangereux et peut-être
suicidaire signalé dans la zone C.
Non, fort heureusement, un tel message d’alerte ne me
concerne plus !.. Et comme la majorité de mes contemporains dans ce
coin-ci du globe, je n’aspire plus qu’à être un centenaire ravi, entouré de ses
petits enfants.
Le texte a été écrit en 2009. Frédéric Perrot.
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