dimanche 30 juin 2019

Une chance à la beauté (publié dans le numéro 39 de la revue Lichen, juillet-août 2019)

peinture à l'huile d'Eric Doussin



           Les hommes ont un vif besoin de beauté. La beauté est ce qui les réconcilie même pour un court instant avec la vie et leur propre existence. 
           
            « La beauté sauvera le monde », dit un personnage de Dostoïevski. L’Idiot est le plus triste de ses romans et le personnage en question un phtisique à l’agonie : le pauvre Hippolyte, qui meurt à dix-huit ans.
                
Nous ne sommes pas des « victimes du devoir », nous n’en avons qu’un seul : laisser une chance à la beauté.

Je n’ai ni goût, ni talent pour la dialectique. La beauté ne se prouve pas et nous sommes parvenus à cette heure étrange, où règne la haine de la beauté. Paysages ravagés pour des raisons industrielles. Enlaidissement progressif de tout horizon. Destructions d’œuvres d’art millénaires…

Les fossoyeurs de la beauté la préfèrent artificielle… Entièrement créée par et pour l’homme. Ce n’est pas leur problème si le monde disparaît : ils ne l’ont jamais aimé.

Propos de table – « Non, non, je n’aime pas ce poète. Je l’imagine trop volontiers au volant d’un bulldozer, à crier des vers, un bâton de dynamite à la main… »

Levé tôt, j’ai repensé à toi, à tes yeux, ton visage… Toi aussi, tu semblais « disposée à l’adieu, après chaque étreinte » : « willig dem Abschied, nach jeder Umarmung.» Mais il ne tenait peut-être qu’à nous de laisser encore une chance à la beauté…


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Les mots allemands cités sont de la poétesse Ingeborg Bachmann. Traduction française Françoise Rétif. Toute personne qui tombe a des ailes. Poésie/Gallimard, 2015. 


pour aller voir la revue d'Elisée Bec

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