mercredi 5 septembre 2018

les nuits d'insomnie (encre d'Eric Doussin, accompagnée de quelques lignes)


Eric Doussin - Les nuits d'insomnie


    Tes efforts demeurent lettres mortes. L’amour a fui au fil de l’eau. Semblable rêve n’est plus possible. À errer entre tes quatre murs, la tête vide et le corps douloureux, tu crois te souvenir d’un prénom murmuré ayant la saveur d’un printemps qui s’annonce, d’une peau fine couleur de désert qu’un frisson parcourt, d’un bras à l’abandon sur le bord d’un drap froissé, de deux yeux qui lentement se ferment dans l’étreinte.
   
   Dans un escalier laissant une impression de blancheur, tu rencontres une femme. Sa chevelure noire tombe sur ses larges épaules, elle a la peau mate, son cou est ridé ; et en gravissant à pas lents les marches en faux marbre blanc, tu es sensible au vif éclat de sa robe dont la frange sombre dans la poussière s’étale. Sans prononcer un mot et comme si cela allait de soi tu t’approches, l’enlaces et commences à l’embrasser à pleine bouche en la poussant sans violence contre le mur du palier. Mais tandis que tu l’embrasses, son visage change, il se déforme sous tes yeux, il devient autre ; et tu t’écartes légèrement. Tu ne ressens aucune peur alors que ses traits se convulsent sous ton regard ; et sans brusquerie aucune, puisque tu n’as pas peur, d’un geste presque las, tu lui donnes un coup pour faire tomber sa tête de son torse. La tête se décroche tout naturellement, comme si elle n’était que posée ; et tu dois te pencher au-dessus de la rampe de l’escalier pour la voir tomber au milieu d’un tas de chiffons et d’autres objets sales…

                               (Extrait d’un texte nommé « Féérie insomniaque »)

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