Huit
ans après une première collaboration, Cathy Garcia Canalès et Laurent Bouisset nous invitent
une fois encore à nous décentrer avec ce numéro 82 de la revue Nouveaux Délits,
qui est bilingue et entièrement consacré à la poésie d’Amérique du nord et d’Amérique
centrale. Y sont présentés des poèmes de cinq poètes, César Anguiano (Mexique),
Isabel de los Ángeles Ruano (Guatemala), Julio C. Palencia (Guatemala), Jorge
Vargas (Mexique) et Vania Vargas (Guatemala), tous traduits par Laurent
Bouisset.
Pour lire le texte de présentation de Laurent Bouisset :
Un poème extrait de ce numéro :
« El fantasma del pasado » de Vania Vargas
Le
fantôme du passé
L’une de toutes les
femmes que j’ai été
m’attendait à la maison
il
y a quelques nuits
telle une parente
lointaine et indésirable
qui semblerait se
reconnaître un certain droit
sur les espaces qu’elle
avait habités
Avec une familiarité
menaçante
elle s’est installée en
silence face à moi
et après avoir tout
observé
elle a commencé à
déballer
de ses mains sales
les peurs / les doutes / le
chaos
tout ce que nous avions
laissé enfoui
la dernière nuit où je l’avais
vue
Je n’ai pas voulu lui
demander comment elle allait
je la connais trop bien
Je suis restée sans rien
dire / je l’ai regardée avec angoisse
attendant qu’elle me dise
ce qui l’avait ramenée
ici / où elle était passée
ce qu’était devenu ce que
nous avions compris
quand elle avait décidé de partir
Et j’ai passé plusieurs
jours à chercher
les mots pour lui expliquer
qu’elle ne revient jamais,
la peau que nous abandonnons
elle se désagrège dans le
vent
à moins que ce ne soit pas de la peau
que l’on ne redevient
jamais ce que l’on était
comme si l’on se réveillait
en sursaut
à moins qu’elle ne soit
ce que je nie
tout en continuant à l’être
celle qui me guette à
chaque mouvement du soleil
Alors, un soir, en
rentrant chez moi
perturbée par sa présence
Je l’ai obligée à se
lever / Je lui ai servi de l’eau
J’ai allumé une bougie
pour elle / Je me suis assise pour lui écrire
Je lui ai demandé des
nouvelles des autres / si elle les avait croisées en chemin
Si elle pensait revenir,
celle qui était partie parce qu’un jour
alors qu’elle se croyait en sécurité
elle avait découvert la
tendresse agonisant entre ses bras
Et quand j’ai levé les
yeux, elle n’était plus là
seule
dansait une colonne de fumée
traçant un instant un
chemin
qui se perdait de nouveau
dans le rien
Vania Vargas (traduction Laurent
Bouisset)

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