vendredi 7 mai 2021

Quelque part ils ont tué le peuple (poème de Gérard Lemaire)


 

                                              Pour Marie-Josèphe Lemaire,
 

Ils ont tué le peuple
Quelque part ils ont tué le peuple
Sans sommation par principe et habitude
Ils ont fusillé le peuple dans le dos
En plein centre du dos et sans raison
Le peuple n’était qu’une montagne magique
Il vivait comme à peine une invention sans
arrêt menacée
Le peuple n’a jamais dû vivre au fond
C’est une idée
C’est forcément virtuel
Le peuple c’est un gisant en haillons
C’est une statue décriée qui ne sort qu’en
pleine nuit
Il existe parfois dans une chanson qui risque
des sanglots
Il est muet comme moi
Il reste en retrait si bien qu’il ne peut
même pas esquisser un pas
Un vrai pas
Nulle part
Je suis la trace d’une voix toujours effacée de son
sacrifice obligatoire
Je suis son souvenir abattu par tous les
fusils aux aguets
Le peuple sait tuer ses enfants quand il a peur
Quand vient la guerre qui emporte jusqu’à
ses cendres
 
 

    Poème extrait de « Gérard Lemaire - Un poète à hauteur d’homme », biographie et anthologie de Robert Roman, Le Contentieux, mai 2019.

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