Les enfants du silence miment des jeux et des danses. Sous la
direction de la plus âgée, une jeune fille pâle de quatorze ans à peine. Elle
porte le chapeau qui leur servira au cours du spectacle qu’ils donnent devant
le camp de l’armée étrangère. Leur petit théâtre de rue – même si dans leur
ville ravagée, des rues il n’y en a plus – amuse beaucoup les soldats, qui les
regardent en nettoyant leurs armes, assis sur des caisses. Les enfants du
silence jamais ne disent un mot. C’est inutile : les soldats ne
comprennent pas leur langue, et comment lutter avec le vacarme des hélicoptères
qui décollent, le bruit des sirènes et celui des explosions au loin ? À la
fin la plus âgée passe avec son chapeau. Certains soirs, pas tout le temps
hélas, on s’avise de leur distribuer des paquets de gâteaux secs et quelques
bouteilles d’eau. C’est le meilleur des salaires ! Et riches de ces trésors,
qu’ils devront se partager, le regard fier, les enfants du silence retournent
pour la nuit dans les caves où ils vivent.
Frédéric Perrot, août 2019
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