vendredi 3 mai 2019

La religion des parchemins (accompagné d'une oeuvre d'Eric Doussin)

Eric Doussin

Notre seule religion est celle des parchemins. Il est difficile de la faire comprendre à un étranger, dans toute sa beauté et sa sagesse et nombreux sont ceux qui la jugent simplement archaïque.
À l’origine il y avait trois parchemins, mais le premier, le plus précieux, a malheureusement disparu dans le grand incendie qui a dévasté il y a plus de mille ans notre capitale et réduit en cendres l’ancienne bibliothèque et les milliers d’ouvrages qui s’y trouvaient conservés.
Comme ces événements dramatiques semblent se perdre pour des esprits bornés dans la nuit des temps, nos ennemis ont beau jeu de prétendre que ce premier parchemin n’a jamais eu d’autre existence que légendaire et qu’il serait donc raisonnable de ne s’en tenir qu’au texte des deux restants, qu’ils jugent d’ailleurs fort obscurs.
Or, c’est justement dans cette absence du premier parchemin que réside toute la beauté de notre religion. Nos théologiens s’accordent en général pour penser que ce premier parchemin était tout bonnement une méthode de lecture, qui devait permettre même au plus ignorant des hommes de comprendre les sentences énigmatiques des deux suivants et de prévenir toutes les interprétations abusives ou erronées. En l’absence de cette méthode, tout notre effort consiste donc à tenter de retrouver un sens originel qui s’est perdu et l’esprit qui a pu l’inspirer.
À cette tâche, nous passons nos nuits et nos jours, inlassablement nous relisons les vingt préceptes que compte chacun des deux autres parchemins et pour éviter que ne se reproduise une catastrophe qui serait fatale à notre foi, nous les connaissons par cœur, nous nous les répétons à voix basse, nous cherchons à les comprendre, notre désir de savoir ne sera peut-être jamais satisfait, mais dans cette longue et patiente étude nous trouvons de grandes joies ; car ce que nos ennemis nomment obscurité, nous le nommons poésie.

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La religion des parchemins – Un fidèle défend sa foi qu’il sent menacée de toutes parts. Le mot catastrophe est celui par lequel les palestiniens désignent la fin du mandat britannique et la proclamation de l’Etat d’Israël : la catastrophe, « Nakba » (14 mai 1948). Ce que le texte ne dit pas, mais suggère – Les ennemis de cette religion ont déjà triomphé. Note de mon Journal, mai 2012.
Le texte appartient au recueil autoédité Les heures captives (décembre 2012). Frédéric Perrot

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