dimanche 24 septembre 2017

épiphanie (accompagné d'un premier dessin d'Eric Doussin)

Epiphanie

À l’instant précis – 14 heures 37, indiquait son horloge murale – où les trois bombes nucléaires explosèrent au large, à un kilomètre environ de la luxueuse villa qu’il avait louée pour l’été, l’écrivain vieillissant nommé Raphaël de Valentin – ce n’était qu’un pseudonyme emprunté à une lecture de jeunesse et qu’il conservait pour des raisons sentimentales –, mettait justement un point final à la quatorzième version de ce qui devait être le plus fameux sonnet de toute son œuvre, « son couronnement », celui dans lequel en tous cas en quelques vers admirables, il avait condensé son expérience de la vie et qu’il avait titré, malgré son peu de goût pour les métaphores religieuses, Epiphanie… Il se leva péniblement et en grimaçant – car c’était cela la vieillesse, la monotonie de la douleur –, et par la vaste baie vitrée de la villa – « Vue imprenable sur l’ancienne mer Méditerranée ! », proclamait le prospectus publicitaire de l’agence –, il regarda les trois immenses champignons grisâtres s’élever dans le ciel d’un gris semblable. C’était terrible à dire, songea-t-il, mais le spectacle ne manquait ni de beauté, ni de poésie, comme une rapide vision de rêve… Les trois explosions simultanées provoquèrent une vague prodigieuse qui, à une vitesse non moins phénoménale, se dirigeait vers la côte et au moment où la baie vitrée vola en éclats, il eut juste le temps de se dire sans tristesse particulière, qu’il était parvenu à mettre un point final à son œuvre, même si c’était un peu tard…



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