« Si
l’on devinait dans cette face les éclairs du génie qui s’élance, on voyait
aussi les cendres auprès du volcan ; l’espérance s’y éteignait dans un
profond sentiment du néant social où la naissance obscure et le défaut de
fortune maintiennent tant d’esprits supérieurs.»
« …
car les jeunes gens commencent par aimer à l’exagération, ce mensonge des
belles âmes.»
Sur
Balzac, ces lignes inégalées de
Baudelaire : « J’ai maintes fois été étonné que la grande gloire de
Balzac fût de passer pour un observateur ; il m’avait toujours semblé que
son principal mérite était d’être visionnaire, et visionnaire passionné. Tous
ses personnages sont doués de l’ardeur vitale dont il était animé lui-même.
Toutes ses fictions sont aussi profondément colorées que le rêve. Depuis le
sommet de l’aristocratie jusqu’aux bas-fonds de la plèbe, tous les acteurs de
sa Comédie sont plus âpres à la vie, plus actifs et rusés dans la lutte, plus
patients dans le malheur, plus goulus dans la jouissance, plus angéliques dans
le dévouement, que la comédie du vrai monde ne nous les montre.»
Plus
angéliques dans le dévouement que le commun des mortels – Cela vaut pour Eve,
la sœur. Les scènes charmantes sur les bords de la Charente Cela vaut pour David, qui connaissant la
mollesse de Lucien et son caractère, a le
pressentiment de son échec à Paris. Ce sont les derniers mots de la
première partie (Les deux poètes) :
« L’imprimeur remonta dans son méchant cabriolet, et disparut le cœur
serré, car il avait d’horribles pressentiments sur les destinées de Lucien à
Paris. »
« Lucien
devina qu’il avait l’air d’un homme qui s’était habillé pour la première fois
de sa vie.»
« Il
chemina jusqu’au quai des Augustins, se promena le long du trottoir en
regardant alternativement l’eau de la Seine et les boutiques des librairies,
comme si un bon génie lui conseillait de se jeter à l’eau plutôt que de se
jeter dans la littérature.»
« Lucien
traversa le Pont-Neuf en proie à mille réflexions. Ce qu’il avait compris de
cet argot commercial lui fit deviner que, pour ces libraires, les livres
étaient comme des bonnets de coton pour des bonnetiers, une marchandise à
vendre cher, à acheter bon marché.»
« Le
journalisme est un enfer, un abîme d’iniquités, de mensonges, de trahisons, que
l’on ne peut traverser et d’où l’on ne peut sortir pur, que protégé comme Dante
par le divin laurier de Virgile.»
« La
polémique, mon cher, est le piédestal des célébrités.»
« La
conscience, mon cher, est un de ces bâtons que chacun prend pour battre son
voisin, et dont il ne se sert jamais pour lui.»
« Tout
journal est, comme le dit Blondet, une boutique où l’on vend au public des
paroles de la couleur dont il les veut. S’il existait un journal des bossus, il
prouverait soir et matin la beauté, la bonté, la nécessité des bossus.»
Le
goût du luxe de Lucien : « Ce luxe agissait sur son âme comme une
fille des rues agit avec ses chairs nues et ses bas blancs bien tirés sur un
lycéen. »
Sur
Paris – « Paris est un singulier pays, dit Lucien en trouvant l’intérêt
accroupi dans tous les coins.» Et
: « Il est difficile, répondit Lucien en revenant chez lui, d’avoir
des illusions sur quelque chose à Paris. Il y a des impôts sur tout, on y vend
tout, on y fabrique tout, même le succès. ». « Vers huit heures, au
feu des lustres allumés, les meubles, les tentures, les fleurs de ce logis
prirent cet air de fête qui prête au luxe parisien l’apparence d’un rêve.»
L’enfer
des intérêts et des amours-propres qu’est le Paris de Balzac –
Le
pouvoir du nom – Les jeux presque littéralistes sur les noms des différents personnages.
Finot, qui l’est en effet, le père Séchard et sa soif inextinguible –
« Le
caractère de l’amour véritable offre de constantes similitudes avec
l’enfance : il en a l’irréflexion, l’imprudence, la dissipation, le rire
et les pleurs.»
« Il
est à remarquer que certaines âmes, vraiment poétiques, mais où la volonté
faiblit, occupées à sentir pour rendre leurs sensations par des images,
manquent essentiellement du sens moral qui doit accompagner toute observation.
Les poètes aiment plutôt à recevoir en eux des impressions que d’entrer chez
les autres y étudier le mécanisme des sentiments.»
« Les
belles âmes arrivent difficilement à croire au mal, à l’ingratitude, il leur
faut de rudes leçons avant de reconnaître l’étendue de la corruption humaine ;
puis, quand leur éducation en ce genre est faite, elles s’élèvent à une
indulgence qui est le dernier degré du mépris. »
Le
goût de paraître – « le vice principal du Français ». « Ainsi
Lucien sacrifiera toujours le meilleur de ses amis au plaisir de montrer son
esprit. Il signerait volontiers demain un pacte avec le démon, si ce pacte lui
donnait pour quelques années une vie brillante et luxueuse ».
Le
mauvais exemple de Napoléon – « C’est le défaut des Français dans votre
époque. Ils ont été gâtés tous par l’exemple de Napoléon »
« Dans une vie tiède le souvenir des souffrances est comme une jouissance indéfinissable.»
Notes
au fil de la lecture – janvier 2016.
Frédéric
Perrot
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