mardi 17 mai 2022

Honoré de Balzac, Illusions perdues (notes au fil de la lecture)

 

« Si l’on devinait dans cette face les éclairs du génie qui s’élance, on voyait aussi les cendres auprès du volcan ; l’espérance s’y éteignait dans un profond sentiment du néant social où la naissance obscure et le défaut de fortune maintiennent tant d’esprits supérieurs.»

 

« … car les jeunes gens commencent par aimer à l’exagération, ce mensonge des belles âmes.»

 

Sur Balzac, ces lignes inégalées de Baudelaire : «  J’ai maintes fois été étonné que la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur ; il m’avait toujours semblé que son principal mérite était d’être visionnaire, et visionnaire passionné. Tous ses personnages sont doués de l’ardeur vitale dont il était animé lui-même. Toutes ses fictions sont aussi profondément colorées que le rêve. Depuis le sommet de l’aristocratie jusqu’aux bas-fonds de la plèbe, tous les acteurs de sa Comédie sont plus âpres à la vie, plus actifs et rusés dans la lutte, plus patients dans le malheur, plus goulus dans la jouissance, plus angéliques dans le dévouement, que la comédie du vrai monde ne nous les montre.»

 

Plus angéliques dans le dévouement que le commun des mortels – Cela vaut pour Eve, la sœur. Les scènes charmantes sur les bords de la Charente  Cela vaut pour David, qui connaissant la mollesse de Lucien et son caractère, a le pressentiment de son échec à Paris. Ce sont les derniers mots de la première partie (Les deux poètes) : « L’imprimeur remonta dans son méchant cabriolet, et disparut le cœur serré, car il avait d’horribles pressentiments sur les destinées de Lucien à Paris. »

 

« Lucien devina qu’il avait l’air d’un homme qui s’était habillé pour la première fois de sa vie.»

 

« Il chemina jusqu’au quai des Augustins, se promena le long du trottoir en regardant alternativement l’eau de la Seine et les boutiques des librairies, comme si un bon génie lui conseillait de se jeter à l’eau plutôt que de se jeter dans la littérature.»

 

« Lucien traversa le Pont-Neuf en proie à mille réflexions. Ce qu’il avait compris de cet argot commercial lui fit deviner que, pour ces libraires, les livres étaient comme des bonnets de coton pour des bonnetiers, une marchandise à vendre cher, à acheter bon marché.»

 

« Le journalisme est un enfer, un abîme d’iniquités, de mensonges, de trahisons, que l’on ne peut traverser et d’où l’on ne peut sortir pur, que protégé comme Dante par le divin laurier de Virgile.»

 

« La polémique, mon cher, est le piédestal des célébrités.»

 

« La conscience, mon cher, est un de ces bâtons que chacun prend pour battre son voisin, et dont il ne se sert jamais pour lui.»

 

« Tout journal est, comme le dit Blondet, une boutique où l’on vend au public des paroles de la couleur dont il les veut. S’il existait un journal des bossus, il prouverait soir et matin la beauté, la bonté, la nécessité des bossus.»

 

Le goût du luxe de Lucien : «  Ce luxe agissait sur son âme comme une fille des rues agit avec ses chairs nues et ses bas blancs bien tirés sur un lycéen. »

 

Sur Paris – « Paris est un singulier pays, dit Lucien en trouvant l’intérêt accroupi dans tous les coins.»  Et  : « Il est difficile, répondit Lucien en revenant chez lui, d’avoir des illusions sur quelque chose à Paris. Il y a des impôts sur tout, on y vend tout, on y fabrique tout, même le succès. ». « Vers huit heures, au feu des lustres allumés, les meubles, les tentures, les fleurs de ce logis prirent cet air de fête qui prête au luxe parisien l’apparence d’un rêve.»

 

L’enfer des intérêts et des amours-propres qu’est le Paris de Balzac –

 

Le pouvoir du nom – Les jeux presque littéralistes sur les noms des différents personnages. Finot, qui l’est en effet, le père Séchard et sa soif inextinguible –

 

« Le caractère de l’amour véritable offre de constantes similitudes avec l’enfance : il en a l’irréflexion, l’imprudence, la dissipation, le rire et les pleurs.»

 

« Il est à remarquer que certaines âmes, vraiment poétiques, mais où la volonté faiblit, occupées à sentir pour rendre leurs sensations par des images, manquent essentiellement du sens moral qui doit accompagner toute observation. Les poètes aiment plutôt à recevoir en eux des impressions que d’entrer chez les autres y étudier le mécanisme des sentiments.»

 

« Les belles âmes arrivent difficilement à croire au mal, à l’ingratitude, il leur faut de rudes leçons avant de reconnaître l’étendue de la corruption humaine ; puis, quand leur éducation en ce genre est faite, elles s’élèvent à une indulgence qui est le dernier degré du mépris. »

 

Le goût de paraître – « le vice principal du Français ». « Ainsi Lucien sacrifiera toujours le meilleur de ses amis au plaisir de montrer son esprit. Il signerait volontiers demain un pacte avec le démon, si ce pacte lui donnait pour quelques années une vie brillante et luxueuse ».

 

Le mauvais exemple de Napoléon – « C’est le défaut des Français dans votre époque. Ils ont été gâtés tous par l’exemple de Napoléon »

 

« Dans une vie tiède le souvenir des souffrances est comme une jouissance indéfinissable.»

 

 

                                           Notes au fil de la lecture – janvier 2016.

                                                                              Frédéric Perrot


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