Le texte qui est aussi dans mon esprit un hommage à Herman Melville, a été écrit à partir de fragments découpés par l’ami Éric Doussin dans un livre. Frédéric Perrot
Le texte qui est aussi dans mon esprit un hommage à Herman Melville, a été écrit à partir de fragments découpés par l’ami Éric Doussin dans un livre. Frédéric Perrot
Le
désir s’étiole tout au long du couloir. C’est un long et interminable couloir
qui s’étrécit, comme dans les films. Des deux côtés les portes se succèdent en dépit
de toute logique. La chambre 241 est l’immédiate voisine de la 53. Peut-être
cela a-t-il un sens mathématique secret, mais deux étages au moins devraient
les séparer, il me semble. Comme je n’envisage rien d’autre, je toque
légèrement à la porte pour ne pas avoir l’impression d’avoir vécu en vain
l’heure et demi précédente. Nul besoin de roulements de tambour ou de musique
inquiétante. La porte de la chambre 241 s’ouvre sans aucun suspens au bout de
quelques secondes. Une pauvre femme à moitié endormie me précise ses tarifs et
qu’il ne faut pas faire trop de bruit, parce qu’il y a un enfant qui dort dans
la pièce d’à côté. Je me croyais dans un film d’horreur, un récit fantastique, et
me voilà balancé dans un truc social, du cinéma belge, et j’ai quand même le
sentiment d’y perdre un peu. Je ne vais pas m’attarder, je ne vais pas me
comporter comme un personnage de Dostoïevski, un homme du souterrain, je ne
vais pas pour le plaisir humilier cette femme et lui faire prendre conscience
de son malheur et de son indignité, en étant juste un pauvre type… Je tousse à
deux ou trois reprises de façon excessive comme si j’étais gêné : je suis
déjà à la porte. J’aimerais seulement avoir une parole humaine pour cette femme
avant de déguerpir au plus vite. – Mais je ne trouve rien.
Frédéric Perrot
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Hambourg |
Chiffe molle
Soudain l’angoisse me saisit et fait de moi une chiffe molle. Je ne vois jamais rien venir, à chaque fois je suis pris au dépourvu : d’un moment à l’autre, je crève brusquement de peur et je succombe à une horrible faiblesse, je trébuche, je vacille, comme si j’avais reçu un coup véritable et je tombe pantelant en travers de mon canapé. L’angoisse est une boxeuse qui vous envoie au tapis en moins d’un round. – Ce n’est pas si mal pour une première punchline. Bravo. 12/20 et trois pouces en l’air ! Vous devriez vous y mettre plus activement, poursuivre dans cette veine, écrire des tweets, publier vos humeurs en temps réel, rentrer dans le jeu, agir enfin, cela vous changerait…
Histoire cousue de fil blanc
Au terme d’une suite de rêves crasseux, je me suis retrouvé dès le matin
précipité dans une histoire cousue de fil blanc. Un message m’attendait sur
mon téléphone. Un message adressé par une femme : je n’en croyais pas mes
yeux. C’était une heure approximative de rendez-vous dans l’après-midi au
centre-ville. Il ne s’agissait pour moi que de répondre afin que cela se
produise ! Et quelque chose dont aussitôt je me fis un champ
immense de rêveries toutes plus favorables pour moi, se passerait dans ma vie.
Mon téléphone dysfonctionna une bonne partie de la matinée. Impossible
d’envoyer un message. Pour je ne sais quelle raison sans doute stupide. Cela
bien sûr m’agaçait prodigieusement. J’avais mal dormi et ce contretemps
d’ordre technologique me rendait furieux, au fur et à mesure que les heures et
les minutes passaient. Enfin vers midi trente, je pus envoyer un message, qui
fut reçu et accompagné d’une réponse encourageante. Tout semblait bien se
passer. Notez bien que l’emploi du passé simple, c’est pour montrer toute
l’absurdité de cette histoire. Bref. Je me suis rendu à l’heure dite au lieu du
rendez-vous, nous nous sommes retrouvés avec plaisir, nous sommes allés nous
installer à une terrasse de café, désireux de faire connaissance et de nous séduire
et de nous charmer l’un l’autre… Mais la longue suite et la rapide fin furent
consternantes.
Frédéric Perrot