vendredi 19 décembre 2025

Marie-Anne Bruch, Haïkus de la Belle saison (extraits)


 

            « Et les mouettes se délectent de nos anecdotes » 

                                                            (Alain Bashung)

 

Quatrième de couverture

Après Haïkus des quatre saisons, déjà parus chez Encres Vives en 2017, Marie-Anne Bruch poursuit cette veine poétique. Écrits tous les étés durant plusieurs années, ces tercets nous proposent des promenades de la région parisienne à La Baule, sur la côte atlantique. Des poèmes de vacances et de farniente qui accordent la plus grande attention aux paysages : urbains, suburbains et maritimes. Si la tonalité est souvent légère et enjouée, des humeurs plus méditatives peuvent poindre par instants.

 

Extraits :

 

Week-end somnolent

– Balade à travers la ville

comme dans un rêve.

 

Pigeon de Paris,

marcheur tranquille, passant

parmi les passants.

 

Mots doux en terrasse

siroter tes paroles

– La table bancale.

 

La pensée va-t-elle

plus vite que la lumière ?

– Pas l’ombre d’une idée !

 

Au petit matin

pluie tombant dans les flaques

– Les yeux cernés.

 

Tracts électoraux

distribués avec ferveur

– Passants chiffonnés.

 

Vivre à cheval

sur deux siècles – Le deuxième

me désarçonnera. 

 

Devenir plus vieille

un jour d’avril pluvieux

– Caprices du temps.

 

Feux d’artifice

éclaboussant les ténèbres

 – Un sang impur.

 

Fleurs poussées en serres

n’ont aucun parfum –

Restons sauvages !

 

L’amour a sans doute 

dévié ma trajectoire

– Que prouve un poème ?

 

La forêt

tient le crépuscule

à bout de bras.

 

Au rythme de mes pas

compter les pieds d’un haïku

– Démarche poétique ?

 

Orage d’été

– Le ciel fissure

ma rétine.

 

De part et d’autre

des vitres du vivarium

– Relatif sang froid.

 

La statue se pare

des couleurs d’un vitrail

– Joyaux du soleil. 

 

Retour de baignade

– Ton baiser sur ma lèvre

met son grain de sel.

 

Le vent feuillette

mon livre – Le sable

comme marque-page.

 

Pluie, vague

– Dans un long brouillard blanc

l’océan se noie. 

 

Sommeil en musique

– Puis réveillée

par le silence.

 

La pluie peu à peu

espace ses gouttes – Mouettes

dans la lumière.

 

Baigneuses figées

la mer à mi-cuisses

– Irons-nous plus loin ?

 

Incertitude

– Un seul mot ne suffit pas

à dire le vrai.

 

Le poème

qui me sauvera

en serai-je l’auteur ?

 

 

Marie-Anne Bruch, Haïkus de la Belle saison

Éditions Encres Vives, été 2024


lundi 15 décembre 2025

C'est pas encore ce matin, Dans les marges du temps (pour Nico)

 

Hervé Prudon


En hommage à Hervé Prudon (1950-2017)


 

C’est pas encore ce matin

Que je vais me lancer

Dans l’œuvre d’une vie

J’ai mal à la tête

Ayant vidé avec entrain

Une bouteille de Bordeaux

En écoutant la musique triste

D’un chanteur mort d’un coup le salaud

J’avais déjà pas le moral

Le deuil pour horizon

Je suis le ténébreux le veuf l’inconsolé

On connaît la chanson

El desdichado c’est pas la vie de château !

 

Bref, c’est pas encore ce matin

Que je vais me lancer

Dans le roman d’une vie

J’ai mal à la tête

Première cigarette

La mort ça s’attrape

Mais t’inquiète mon amour

C’est pas contagieux

Je dis mon amour

Mais c’est pour la forme

Et la ritournelle

Je parle tout seul depuis des lustres

Y a jamais personne ici

La dernière femme à être venue

Illico est repartie

Effrayée par mes espoirs

Mes cathédrales de brumes

Mes châteaux en Espagne !

 

Passons puisque tout passe

C’est pas encore ce matin

Que je vais me lancer

Dans l’œuvre d’une vie

Comme d’habitude

Je vais faire le seul truc

Que je sais à peu près faire

Et aime bien faire

Lire les bouquins des autres

Nadine Mouque d’Hervé Prudon

 

Un poète

Un remède

Au bourdon

 

Source image : Radio France

 

Le poème est extrait de mon recueil, Dans les marges du temps (novembre 2025). Frédéric Perrot.


George Steiner, Tolstoï ou Dostoïevski

 


Quatrième de couverture

 

On a pu dire qu’en demandant à un homme – ou à une femme – s’il préfère Tolstoï ou Dostoïevski, on peut « connaître le secret de son cœur ». Avec son érudition et sa verve coutumière, George Steiner explore ici les différences qui opposent le monde d’Anna Karénine et celui des Frères Karamazov. Ce sont deux interprétations du destin de l’homme, de l’avenir de l’Histoire et du mystère de Dieu que nous pouvons ainsi comprendre. Car grâce au constant jaillissement des idées de l’auteur de Langage et Silence, le lecteur se trouve comme forcé d’entrer dans un dialogue passionné avec des thèmes aussi éternels que fondamentaux.

 

George Steiner, Tolstoï ou Dostoïevski

Traduit de l’anglais par Rose Celli  

           

jeudi 11 décembre 2025

Je préfère être une sale conne qu'une vieille bourgeoise réactionnaire, Ariane Anemoyannis, Révolution permanente

 

Ariane Anemoyannis


à monsieur et madame Macron, 

       qui connaissent la chanson


 

Monsieur le Président

Je vous fais une lettre

Que vous lirez peut-être

Si vous avez le temps

J’apprends sur Instagram

Que votre vieille rombière

Pardon madame votre femme

Élégamment vêtue par des milliardaires

Promène son cul aux Folies Bergère

S’y montre très vulgaire

Dissimule mal son mépris de classe

Comme ses instincts autoritaires

Monsieur le Président

Pour le mépris de classe

Je sais qu’il n’y a rien à faire

Vous n’en serez jamais exempts

Mais peut-être pourriez-vous

Rappeler à cette langue de vipère

Qu’elle ne joue au mieux que les utilités

Et que nous lui serions reconnaissants

De garder son venin et de se taire

Pour ne dire pis et être vulgaires !

 

                                  Frédéric Perrot