samedi 25 octobre 2025

Different Class de Pulp a trente ans


 

Le 30 octobre 1995, sortait le cinquième album de Pulp, Different Class. Il avait été précédé en mai par un premier single, Common People, devenu depuis légendaire et ce fut enfin l’heure du triomphe pour la bande à Jarvis Cocker, dont les premiers faits d’armes remontent au début des années 80. L’album connut un immense succès et devint même en Angleterre un véritable phénomène de société, tant il semblait presque miraculeusement capter l’air du temps, résumer les espoirs et les désillusions de toute une génération : ces « gens ordinaires », en particulier les jeunes, qui ne connaissaient comme horizon que les supermarchés, les programmes merdiques de la télévision et les bureaux des agences pour l’emploi.

Musicalement, Different Class se situe dans la droite ligne de l’excellent His 'n' Hers (1994) et de l’extraordinaire compilation Intro (1993). C’est de la pop-rock énergique, voire hystérique, théâtrale, mâtinée de sonorités électroniques. Mais ce qui distingue Pulp de ses « rivaux » (Blur, Oasis), ce sont les textes de Jarvis Cocker, qui est, de loin, le meilleur parolier anglais des années 90.

Sur Different Class, les textes de Jarvis Cocker composent un petit univers déjanté, où il est beaucoup question de sexe, de frustration et de désespérance. On y passe de la chronique sociale acerbe (Common People) à des histoires d’amour plus souvent fantasmées que vécues (Something changed, Disco 2000, dont Nick Cave proposera plus tard une version lente et chagrine). Le ton est volontiers ironique, voire cruel (Live Bed Show, Underwear, Bar Italia). La paranoïa et la mégalomanie ne sont jamais loin et la rageuse « chanson de vampire », I Spy, nous rappelle que Jarvis Cocker n’a rien d’un gendre idéal. Brian de Palma ne s’y trompera pas, qui inclura I Spy à la B.O. de son Mission impossible. Cocker n’oublie pas non plus dans sa description de la vie des « gens ordinaires » d’évoquer les sorties en festival (Sorted for E’s & Wizz) et les nuits en club (Bar Italia), où l’on se gave de pilules et dont on revient en lambeaux.

Cette réédition de Different Class propose également sur un second disque le concert donné par Pulp au festival de Glastonbury en juin 1995.


                                                                  Frédéric Perrot


Pour écouter Underwear : 

https://youtu.be/-IArKcMSwxM?si=huYCxuSuJU1MYO3D

Pour écouter I Spy :

https://youtu.be/923SHooSKk8?si=bn0gH5lqznvCfygB

jeudi 23 octobre 2025

Georg Christoph Lichtenberg, Le miroir de l'âme (extraits)


 

« Vivre sans le vouloir est chose épouvantable, mais ce serait bien pis encore d’être éternel sans l’avoir demandé. » (B,338)

 

« Cela est aussi naturel à l’homme que la pensée ou que lancer des boules de neige. » (C,157)

 

« Ce n’est pas la force de son esprit mais celle du vent qui a élevé cet homme. » (C,358)

 

« Une tombe est toujours la plus sûre forteresse contre les assauts du destin. » (D,143)

 

« Il a écrit huit livres. Il eût certainement mieux fait de planter huit arbres ou bien d’élever huit enfants. » (D,175)

 

« Si un livre et une tête se heurtent et que cela sonne creux, le son provient-il toujours du livre ? » (D,399)

 

« Je crois qu’il ne sera jamais possible de démontrer que nous sommes l’œuvre d’un Être Supérieur, plutôt que celle d’un être fort imparfait qui nous créa comme passe-temps. » (D,412)

 

« C’est ainsi que se moquent de nous nos cousins l’ange et le singe. » (D,436)

 

« L’automne raconte à la terre les feuilles qu’elle a prêtées à l’été. » (D,559)

 

« Notre vie est comme une journée d’hiver ; nous naissons entre minuit et une heure du matin ; le jour ne point pas avant huit heures, et il n’est pas encore quatre heures de l’après-midi qu’il fait nuit à nouveau ; à minuit vient la mort. » (E,212)

 

« Un livre est comme un miroir ; si un singe s’y mire, d’évidence il n’y verra point un apôtre. Nous n’avons nulle parole pour parler de sagesse à l’abruti. Il est déjà sage celui qui comprend le sage. » (E, 215)

 

« Dans une maison de fous, il doit y en avoir un qui parle le shakespearien. » (E,325)

 

« Nous avons érigé toutes nos meilleures idées sur une sorte de fièvre issue du tabac et du café. » (E,438)

 

« Il se coupait lui-même la parole. » (E,519)

 

« Lire, c’est emprunter ; en tirer profit, c’est rembourser sa dette. » (F,7)

 

« Je suis convaincu que l’on ne fait pas uniquement que s’aimer à travers autrui, mais que l’on se hait aussi à travers eux. » (F, 450)

 

« L’inventeur des thèses et dont le nom est oublié du genre humain. » (F,1007)

 

« Là où la modération est une erreur, l’indifférence est un crime. » (G,62)

 

« L’Américain qui découvrit le premier Christophe Colomb fit une méchante découverte. » (G,183)

 

« Il voulait se noyer ; seulement son chien, qui courait derrière lui, le rapportait toujours. » (H,106)

 

« L’âne me semble un cheval traduit en hollandais. » (H,166)

 

« Comment donc les hommes sont-ils parvenus au concept de liberté ? Ce fut une grande idée. » (J,276)

 

« La mort d’un homme de talent m’attriste toujours, puisque le monde en a plus besoin que le ciel. » (J,539)

 

« En ce monde, on vit mieux en disant la bonne aventure qu’en disant la vérité. » (J,787)

 

« C’est dans la capacité de tirer profit des avatars de l’existence, et de ses leçons, que réside une grande part du génie. » (K,120)

 

 

Georg Christoph Lichtenberg

Le miroir de l’âme

Traduit de l’allemand et préfacé par Charles Le Blanc

 

 

Sur Georg Christoph Lichtenberg


Né en 1742, Georg Christoph Lichtenberg passa, à partir de l’âge de 21 ans, toute sa vie à l’université de Göttingen, d’abord comme étudiant puis comme professeur de sciences mathématiques et physiques, chargé plus spécialement de la physique expérimentale. Il fit deux voyages en Angleterre qui l’influencèrent durablement et mourut en 1799.  

Esprit éclairé, novateur dans le domaine de l’électricité, Lichtenberg ne doit pas sa renommée posthume aux « figures » qui, en physique, portent son nom, mais à ses carnets intimes, ses cahiers numérotés (A, B, C..) dans lesquels il jetait, pêle-mêle, ses idées et ses observations sans intention de les publier jamais : « Éveiller la méfiance envers les oracles : tel est mon but ».

 

Lichtenberg, admiré de Goethe, de Kant, de Kierkegaard, de Nietzsche, de Tolstoï, d’André Breton, est un philosophe et un écrivain, toujours à découvrir.



Lichtenberg



Source image : Wikipédia

 

mercredi 22 octobre 2025

Philippe Gonin, The Cure, Pornography (pour Lionel)


 

Quatrième de couverture

 

Dernier volet de la trilogie glacée, Pornography apparaît comme l’ultime étape d’un processus d’exploration des possibles. L’album est une sorte de « monument à la limite du pays fertile », brûlant les toutes dernières cartouches de Robert Smith, qui n’aura d’autre solution après cela que la fuite. Non une fuite en avant conduisant comme trop souvent à la mort, mais une échappée vers ailleurs.


Ce livre explore les processus de création à l’œuvre dans ce disque largement reconnu comme un point d’achèvement dans la carrière de The Cure, et comme une pierre angulaire dans l’histoire de la musique pop-rock, un disque marqué par une tension permanente et dont on ressort épuisé…

 


Pour écouter A Strange Day :


https://youtu.be/7_HeyTKfT0s?si=nUcTtwqwTdS8L4DH

Épilogue (pour René)


Comment résister aux mauvaises vibrations ?

 

La vie ne ressemble pas à une chanson des Beach Boys,

Aussi belle et déchirante soit-elle.

La vie est grossière, brutale et stupide.

 

Comment résister aux mauvaises vibrations ?

 

La confusion règne dans les discours et les esprits.

Les soldats les plus féroces travaillent au nom de la paix.

Les pires assassins se réclament de la justice.

La machine à décérébrer fonctionne à plein régime.

Les imbéciles sont en roue libre.

 

Comment résister aux mauvaises vibrations ?

 

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Sans autres expédients et nul horizon,

La vie ne ressemble pas à une chanson, 

Aussi déchirante soit-elle.

 

Qui peut supporter tant de contradictions ?

Sauter du train en marche

Serait-il la seule solution ?

 

Non, retourne à ton indécision…

 

Et il te restera encore à chercher

Un coin où te cacher,

Un trou où t’enterrer

 

En attendant des jours meilleurs…

 

 

                                                      Novembre 2024 – Octobre 2025

 

 

       Good Vibrations est sans doute la chanson la plus extraordinaire des Beach Boys. Brian Wilson, un des derniers génies de la musique pop, est mort le 11 juin 2025. Frédéric Perrot

 

       Pour écouter Good Vibrations :

                https://youtu.be/Eab_beh07HU?si=L8PpEJ_KUEjIlKkC

jeudi 9 octobre 2025

De chrysanthèmes en chrysanthèmes... Jacques Brel est mort un 9 octobre


Pour écouter « J’arrive » :


https://youtu.be/vBHfoGrJLqI?si=tICoGZsKm0uGlHku


                Pour lire mon texte en hommage, Quelques raisons d’aimer Jacques Brel :
            

jeudi 2 octobre 2025

Arthur Rimbaud, La Maline

 

Dans la salle à manger brune, que parfumait

Une odeur de vernis et de fruits, à mon aise

Je ramassais un plat de je ne sais quel met

Belge, et je m’épatais dans mon immense chaise.

 

En mangeant, j’écoutais l’horloge, – heureux et coi.

La cuisine s’ouvrit avec une bouffée

– Et la servante vint, je ne sais pas pourquoi,

Fichu moitié défait, malinement coiffée

 

Et, tout en promenant son petit doigt tremblant

Sur sa joue, un velours de pêche rose et blanc,

En faisant, de sa lèvre enfantine, une moue,

 

Elle arrangeait les plats, près de moi, pour m’aiser ;

– Puis, comme ça, – bien sûr pour avoir un baiser, –

 Tout bas : « Sens donc : j’ai pris une froid sur la joue... »

 

                         Charleroi, octobre 1870