J’ai oublié mon parapluie et il commence
de pleuvoir… Cela m’agace de revenir sur mes pas et de me frayer à nouveau un
passage dans la foule. Amélia vient à ma rencontre. « Pourquoi cette
presse ? Que font tous ces gens dehors ? » Amélia me sourit et
me dit que je me trompe. « Ils ne sont pas si nombreux. C’est l’étroitesse de
la rue qui te donne cette impression. Ce n’est qu’une bande d’excités : je
crois qu’ils se réjouissent de la mort du président que l’on a annoncée tout à
l’heure. Il était malade. Personne ne le savait. Un cancer fulgurant… Mais
allons chercher ton parapluie, c’est plus important ! »
Je dis à Amélia que dans sa robe blanche
elle est d’une rare beauté, comme une petite demoiselle d’honneur dans un
mariage. Amélia proteste, elle n’est plus une enfant, elle va bientôt avoir seize
ans ! Nous marchons longtemps dans des rues vides et silencieuses. Sans me
regarder, elle me parle de son inquiétude au sujet de sa mère, qui est alitée.
« Comment s’appelle le café où tu as oublié ton parapluie ? »
Pour la distraire de sa tristesse, je
réponds à Amélia que j’ai perdu l’habitude de faire confiance à ma mémoire.
« Je crois me souvenir que le bar s’appelle le Contretemps et qu’il se
trouve à l’angle d’une rue du Chardon… Mais dans cette partie de la ville,
toutes les rues se ressemblent et je m’y perds souvent… J’espère que tu ne m’en
voudras pas, si nous marchons encore un moment… »
Frédéric Perrot, fragment repris, janvier 2020.
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