Buées dans l’hiver de
Marie-Anne Bruch a été publié en mars 2019 aux éditions Le Contentieux. C’est
un livre très réussi, disons-le simplement, un bon recueil de poésie.
J’aime la clarté et la précision de
l’écriture, l’apparente simplicité des poèmes et cette voix qui est sensible : « Fin de l’hiver, fin de la nuit,/si l’amour est une faiblesse,/laisse-moi
sur ton épaule/appuyer mon front/fautif. ». Le livre a cette
particularité si rare à observer, il est écrit par une femme amoureuse :
les poèmes Bon Matin, L’instant parfait, Nature du cœur.
D’autres poèmes traduisent une conscience
plus inquiète et plus sombre, ainsi ceux dont le personnage agissant est
« La ville » : « La ville n’a que faire/du
printemps,/La ville ignore/les jaillissements du désir/et
leur préfère/les insidieuses accoutumances. ». Trois poèmes
sont construits sur ce modèle : Excès de calme, Comme
tout le monde et en fin de recueil, Métropole.
La « ville » est le lieu de
l’étouffement par le « vide » et de la domestication des
individus par la consommation avec « ses vitrines/aux mannequins
cireux/qui n’ont que le plastique sur les os ».
Elle est indéfiniment le lieu de « l’aliénation
marchande » : « La
ville nous met/en mode automatique,/nos angoisses standardisées/rentrent
dans les bons placards ».
Ce triptyque est excellent. Les poèmes que
je préfère sont Suivre la pente, Mes absences et Laissez
l’horizon tranquille.
Suivre
la pente
« Le
monde sera toujours
à
la fois jeune et vieux
vénéneux
et vénérable,
la
vie sera toujours
à
la fois laide et belle
et
nul ne tranchera ce conflit
sans
trahir le jour qui vient.
Notre
enfance court encore
devant
nous, par les champs et les bois,
trop
vite pour jamais la rattraper,
notre
enfance a la bouche
et
les doigts cramoisis
d’avoir
cueilli trop de rires bien mûrs
dans
les broussailles de la mémoire.
Les
jours se ressemblent trop
pour
laisser le moindre souvenir,
paroles
et pensées
s’assèchent
fatalement,
il
y a peu à raconter
mais
beaucoup à faire,
nous
allons devenir
faute
de mieux
des
êtres efficaces,
on
ne nous en demande
pas
davantage. »
Marie-Anne
Bruch, Buées dans l’hiver
Le
Contentieux
Frédéric Perrot. Janvier 2020
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