vendredi 27 septembre 2024

Le chemin du possible


Le chemin du possible est étroit

C’est ennuyeux tous ces obstacles qui se dressent,

      comme des buissons d’épines.

Epave sans audace,

loque du crépuscule,

      j’erre dans un labyrinthe de ronces.

Si j’étais un athlète,

      je sauterais au-dessus de telles haies !

Si j’étais un guerrier,

      j’aurais une machette,

et m’ouvrirais un passage jusqu’au palais

      du rêve où repose mon amour

Ce ne serait encore qu’une première victoire :

      la porte du palais est en bois massif

      et haute comme une tour,

      et comment en lilliputien que je suis,

      pourrais-je la pousser ?

Une telle question ne se pose même pas.

Je suis pris dans les ronces

      et demeure suspendu,

      le visage transpercé

      comme un épouvantail

 

     

                         Frédéric Perrot

mardi 24 septembre 2024

Quelqu'un osera-t-il dire enfin qu'Israël est un état voyou ?

 


Après et en même temps que Gaza

La Cisjordanie

Dorénavant le Liban

Dont il serait absurde de rappeler

Aux fanatiques à la tête d’Israël

Que ce pays ne se résume pas au Hezbollah :

Anéantir est leur seul but

En toute impunité

Pourquoi ne le feraient-ils pas ?


 

                   Frédéric Perrot

vendredi 20 septembre 2024

La fuite immobile


Et je m’enfuis, je m’enfuis de la maison de santé. C’est le nom pudique que l’on donne ici à l’établissement où l’on m’a enfermé de force. Et je m’enfuis, je m’enfuis, je ne cesse de m’enfuir ! Mais il me faut me frayer un passage à travers une véritable marée humaine, des hommes et des hommes qui piétinent sur place, ont le regard vide et émettent tous en guise de paroles une sorte de bourdonnement pareil à celui d’une mouche qui se heurte de façon absurde contre une vitre… Et je m’enfuis, je m’enfuis, en me frayant péniblement un passage à travers cette foule compacte animée d’un vague mouvement, comme dans une fête populaire, un carnaval. Une voix me murmure à l’oreille : « Regarde, regarde, le portique n’est pas loin, ils pourraient tous s’enfuir mais aucun n’en a même le désir, tu n’as rien à craindre du gardien assis à côté du portique, il est ivre du soir au matin et sa présence doit seulement suggérer à toutes ces têtes vides l’idée de surveillance… » Et en effet, il y a un portique, comme dans un aéroport, à côté duquel, sur une chaise, une masse sombre est en plein délire alcoolique, secouée de soubresauts convulsifs… Horrible spectacle.

M’arrachant d’un coup à cette glu humaine en une espèce de saut maladroit, je passe sous le portique et sans transition me retrouve dans un décor tout différent, sur un chemin, au milieu de nulle part et où chacun de mes pas m’est un effort insensé, tant le chemin est boueux… Décidément, quelle fuite immobile ! En sens inverse, apparaissent un enfant affreux et une femme. Avec ses oreilles en pointe et son long nez pendant comme une trompe obscène, l’enfant correspond plutôt à l’idée assez confuse que je me fais d’un diablotin : il rit horriblement ! « Regarde, regarde, un fou qui essaie de s’enfuir ! » La femme ne dit rien, semblant perdue dans la contemplation du vide. Soucieux de mettre un terme à cette dérision et à cet horrible rire, j’avise opportunément sur le bord du chemin un énorme vase de style antique que je soulève, et que de toutes mes forces je précipite dans la direction de l’enfant. Touché ! Sans un cri l’enfant s’écroule sur le sol, le crâne écrabouillé, ce qui n’est pas pour me déplaire. La femme s’en va, poursuit sa promenade, comme si de rien n’était, peu importe. Et je m’enfuis, je m’enfuis, je me remets à m’enfuir ! Mais contre toute attente le chemin commence à se soulever de plus en plus, jusqu’à devenir une paroi verticale, du haut de laquelle je tombe, mon interminable chute signant la fin de cette fantasmagorie.

 


                                                                  Frédéric Perrot

lundi 16 septembre 2024

Après la confiscation des élections, seuls les murs protestent encore ?

Schiltigheim

   

16 septembre – Hold-up démocratique du dénommé Emmanuel Macron. Celui qui se rêvait en dieu de l’Olympe se révèle un vassal de l’extrême droite. Tout le monde juge le chef de gang fini, mais nul n’est en mesure de le faire tomber, en vertu des lois de la cinquième République, régime d’exception depuis l’origine. Quand le gangstérisme épouse des institutions sclérosées, il faudrait être un sot pour parler encore de démocratie et ceux qui osent protester sont tenus pour des suppôts de « l’Anti-France », cette vieille expression maurrassienne redevenue à la mode. Quel progrès ! Court-circuit temporel : nous ne sommes pas en 1934, nous sommes en 2024, année dystopique.  Frédéric Perrot.

jeudi 12 septembre 2024

Cyril Noël en concert au Local, le 19 octobre



Accompagné de ses deux complices, Gérald Koehl à la batterie et Gaël Blanchard à la basse, Cyril Noël présentera au Local, le 19 octobre, les morceaux de son nouvel album Amour Animal et revisitera certains de ses anciens titres. La première partie sera assurée par Rivertide.

 

Pour regarder le clip de « Cigarette », premier extrait d’Amour Animal : 

https://youtu.be/yOVWQZnHfdo?si=yYD60PRLO7EUAwYC

mardi 10 septembre 2024

mercredi 4 septembre 2024

Le décathlonien (un poème de Primo Levi)

 

Primo Levi

Croyez-m’en, le marathon n’est rien,

Ni le marteau, ni le poids : aucune épreuve particulière

Ne saurait se comparer à notre peine.

J’ai gagné, oui  : je suis plus célèbre qu’hier,

Mais bien plus vieux, aussi, plus usé.

J’ai couru le quatre cents mètres à la vitesse d’un

      épervier,

Sans pitié pour celui qui courait près de moi.

Qui était-ce ? Un gars quelconque, un novice,

Un type jamais vu auparavant,

Un pauvre bougre du tiers-monde,   

Mais celui qui te tient tête est toujours un affreux.

Je lui ai brisé les reins, comme et quand je l’ai voulu ;

En jouissant de son effort, j’ai oublié le mien.

À la perche, ç’a été moins facile,

Mais les juges, par bonheur,

N’ont pas vu mon astuce :

Ils m’ont crédité de cinq mètres.

Quant au javelot, j’ai un secret ;

Il ne faut pas le lancer vers le ciel.

Le ciel est vide, à quoi bon le trouer ?

Il suffit d’imaginer, au bout de la pelouse,

L’homme ou la femme que l’on voudrait tuer.

Le javelot, alors, devient sagaie,

Flaire le sang et vole plus loin.

Du mille cinq cents mètres, je ne sais que dire ;

Je l’ai couru en proie au vertige

Et aux crampes, têtu, désespéré,

Terrifié

Par le tambour convulsif de mon cœur.

Je l’ai remporté, mais à quel prix :

Le disque, ensuite, était aussi lourd que du plomb

Et m’échappait des doigts, rendus visqueux

Par ma sueur de vétéran fourbu.

Dans les tribunes, vous m’avez sifflé,

Je l’ai très bien entendu.

Mais qu’attendez-vous donc de nous ?

Que nous demanderiez-vous encore ?

De prendre notre envol ?

De composer un poème en sanscrit ?

D’arriver au bout du pi grec ?

De consoler les affligés ?

De mettre en œuvre la pitié ?

 

 

                                  4 septembre 1984  

 

 

Primo Levi, À une heure incertaine

Traduit de l’italien par Louis Bonalumi