mercredi 13 janvier 2021

Bienvenue au parc d'attraction psychique d'Hypérion !

 

Hypérion est une planète sauvage et peu accueillante. C’est pourtant, à sa surface malencontreuse, qu’a été construit le plus important parc d’attraction psychique de la galaxie. Les travaux pharaoniques ont occupé pendant plus de trente ans quelques quarante millions hommes. Peu ont survécu. L’atmosphère d’Hypérion est un assez répugnant mélange d’éléments toxiques, hautement létal pour tout homme non-augmenté et ne disposant pas de poumons hybrides. Pour de strictes raisons humanitaires, il aurait sans doute fallu équiper ces millions d’hommes avant de les mettre au travail, mais outre que cela aurait considérablement alourdi le budget déjà colossal, on ne s’en souciait guère. C’étaient pour la plupart des bagnards extraits des colonies pénitentiaires dont on se débarrassait à bon compte en les tuant à terme à la tâche : « C’est la seule ombre au tableau d’une superbe réussite », comme l’a reconnu dans une formule un peu maladroite le richissime architecte Hans Castorp lors de l’inauguration en grandes pompes du parc d’attraction. Cet insignifiant détail oublié, Castorp peut se réjouir : depuis plus de dix ans, le succès ne s’est pas démenti et le parc accueille chaque année environ un milliard de visiteurs venus des quatre coins de la galaxie. Les tarifs de la moindre attraction sont exorbitants et la clientèle se trouve donc comme il se doit triée sur le volet : ce ne sont que vedettes de la chanson interstellaire, marchands d’armes, hommes d’affaires, industriels vieillissants accompagnés de leurs petits-enfants…

Je ne sais pas en quoi consistent exactement ces fameuses attractions psychiques qui font courir toute la galaxie, à en croire les hologrammes publicitaires qui se déclenchent à toute heure du jour et de la nuit et ce jusque dans ma cellule médicale. Chaque visiteur doit signer une rigoureuse clause de confidentialité et s’engager à ne jamais évoquer d’une manière ou d’une autre ce qu’il a réellement vécu dans l’enceinte du parc. On comprendra qu’un secret si jalousement gardé ait donné lieu au fil des années aux conjectures et rumeurs les plus folles. Je les crois pour la plupart infondées ou sans intérêt… Ce ne sont après tout que de riches oisifs, des parasites de toutes sortes qui viennent selon l’expression consacrée, se taper un bon trip psychique… Peu m’importe… Je suis un vieillard à présent et l’un des derniers survivants du plus formidable chantier jamais lancé par l’homme

 

                                             

                                                           Frédéric Perrot

1 commentaire:

  1. C'est un bon début de nouvelle ou de roman SF sait on jamais !
    Ça me fait penser à la construction de la plus grande piste de ski indoor en plein désert à Dubaï..

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