lundi 29 juin 2020
Démocratie (traduction de Leonard Cohen)
La
chanson Democracy se trouve sur
l’album The future (1992)
Cela
vient d’une trouée dans l’air
De
ces nuits sur la Place Tienanmen
Cela
vient du sentiment
Qui
n’est pas encore exactement réel
Ou
qui est réel sans être encore exactement là
Des
guerres menées contre le désordre
Des
sirènes qui retentissent jour et nuit
Des
feux des sans-abris
Des
cendres des homosexuels :
La
Démocratie arrive aux Etats-Unis
Cela
vient à travers une fissure dans le mur
Dans
un flot visionnaire d’alcool
De
la stupéfiante annonce
Du
Sermon sur la Montagne
Auquel je
ne prétends pas tout comprendre
Cela
vient du silence
Sur
les quais de la baie
Du
cœur battant courageux mais délabré
De
la Chevrolet :
La
Démocratie arrive aux Etats-Unis
Cela
vient du désespoir des rues
Des
lieux saints où les races se rencontrent
Des
petites saloperies homicides
Dont
chaque cuisine est le théâtre
Pour
déterminer qui servira et qui mangera
Des
puits de la déception
Près
desquels les femmes s’agenouillent
Pour
implorer la grâce de Dieu dans les déserts
Qui
s’étendent ici et au loin :
La
Démocratie arrive aux Etats-Unis
Refrain
Navigue, navigue
Oh puissant Vaisseau de l’Etat !
Des Rivages du Besoin
Frôlant les Récifs de la Convoitise
Échappant aux Mâchoires de la
Haine
Navigue, navigue
Cela
vient d’abord en Amérique
Le
berceau du meilleur et du pire
C’est
ici qu’ils ont le standing
Et
toute une machinerie pour le changement
Et
c’est ici qu’ils ont la force spirituelle
C’est
aussi ici que la famille est dévastée
Et
que chaque âme solitaire murmure
Que
le cœur doit s’ouvrir
D’une
façon fondamentale :
La
Démocratie arrive aux Etats-Unis
Cela
vient des femmes et des hommes
Oh
chérie nous ferons encore l’amour
Et
nous irons si profondément
Que
la rivière en versera des larmes
Et
que les montagnes crieront Amen !
Cela
vient comme le mouvement des vagues
Éclairées
par la lune
Impériale,
mystérieuse
Dans
son habit d’amour :
La
Démocratie arrive aux Etats-Unis
Refrain
Je
suis sentimental si vous voyez ce que je veux dire
J’aime
ce pays mais je ne peux supporter le spectacle
Je
ne suis ni de gauche ni de droite
Je
passe seulement la soirée chez moi
Face
à cet écran de télé sans espoir
Mais
je reste debout comme ces monceaux d’ordures
Que
le Temps ne pourra détruire
Je
suis un déchet mais je brandis toujours
Mon
fragile bouquet de fleurs sauvages :
La
Démocratie arrive aux Etats-Unis !
La chanson de Leonard Cohen est très ambiguë
pour deux raisons au moins. Elle adopte le point de vue d’un « déchet »,
d’un homme qui ne prend conscience du monde que par des chaînes d’informations,
genre CNN.
Elle affirme par ailleurs que le régime
démocratique est sans « essence », comme diraient les philosophes.
La démocratie est toujours à créer, est un perpétuel devenir… Et c’est pour cette
raison que Cohen dit, je crois, qu’elle « arrive » aux Etats-Unis.
Il parait que Barack Obama aimait beaucoup
cette chanson. On sait combien la démocratie a sombré aux Etats-Unis depuis. Frédéric
Perrot
mercredi 24 juin 2020
Ôte ce désir (traduction de Leonard Cohen)
La chanson Take this longing se trouve sur le quatrième album de Leonard
Cohen, New Skin for the Old Ceremony
(1974).
Beaucoup
d’hommes ont aimé les cloches
Que
tu as liées à la pluie
Et
tous ceux qui te désiraient
Ont
trouvé ce qu’ils
Désireraient
toujours
Ta
beauté perdue pour toi-même
Comme
elle était perdue pour eux
Ôte
ce désir de ma langue
Toutes
ces choses inutiles
Que
mes mains ont faites
Laisse-moi
voir ta beauté détruite
Comme
tu le ferais
Pour
qui tu aimes
Ton
corps comme un projecteur
Et
ma pauvreté révélée
J’aimerais
tenter ta charité
Jusqu’à
ce que tu gémisses :
«
Maintenant tu dois tenter ma convoitise »
Et
tout dépend de la distance
A
laquelle tu dors, près de moi…
Ôte
ce désir de ma langue
Toutes
ces choses solitaires
Que
mes mains ont faites
Laisse-moi
voir ta beauté détruite
Comme
tu le ferais
Pour
qui tu aimes
Avide
comme une arche
Sous
laquelle les troupes ont passé
Je
reste dans les ruines derrière toi
Avec
tes vêtements d’hiver
La
lanière de ta sandale déchirée
Mais
j’aime te voir nue
Particulièrement
de dos
Ôte
ce désir de ma langue
Quelles
que soient les choses inutiles
Que
mes mains ont faites
Dénoue
pour moi ta longue robe bleue
Comme
tu le ferais
Pour
qui tu aimes
Tu
restes fidèle à un homme meilleur
J’ai
bien peur qu’il ne soit parti
Aussi
laisse-moi juger ton histoire d’amour
Dans
la chambre même
Où
j’ai condamné la mienne à mort
Je
porterai même cette vieille couronne de lauriers
Qu’il
a fait choir de sa tête…
Ôte
ce désir de ma langue
Toutes
ces choses inutiles
Que
mes mains ont faites
Laisse-moi
voir ta beauté détruite
Comme
tu le ferais
Pour
qui tu aimes
Traduction mars, avril 2015 – Frédéric Perrot
dimanche 21 juin 2020
Sur Freaks de Pulp
« Le
brouillon le plus génial de tous les temps », disait un ami, ayant trouvé
la formule exacte pour Freaks, le deuxième album de Pulp (1987). Enregistré
en une semaine avec les moyens très limités du bord, sans doute vendu à
l’époque à quatre exemplaires et totalement renié par Jarvis Cocker, qui
rechigne à chanter son ancien répertoire, Freaks reste un album à part,
un objet fascinant…
Le projet de l’album est défini sur sa
pochette assez hideuse, d’un jaune maladif : « Ten stories about
power claustrophobia suffocation and holding hands ».
Le mot « stories » est
exact. Jarvis Cocker déjà à l’époque écrit de courtes nouvelles plutôt que des
chansons. C’est évidemment le cas de Being followed home, l’un des
sommets de l’album, qui commence par des bruits de pas et présente un récit au
rythme paranoïaque, dont il ne faudrait pas mésestimer la dimension
fantasmatique. Le rêve se mêle à la réalité. Le narrateur avoue être fou ou du
moins obsessionnel et torturé : « My mind is a blur/I feel so
weak/I see your reflection/In the streets/It’s what you deserve/It’s what you
need/Just like those stupid books you read/I look to the sky/I see your face »
Freaks est un album malade,
presque au bon sens du terme, une folie. Cela débute par un tour à la fête foraine (Fairground)
digne de David Lynch. On y va voir des monstres (Freaks est aussi le
titre du mémorable film de Tod Browning) et éclatent des rires de psychopathes que
l’on ne souhaiterait rencontrer sous aucun prétexte.
Il y a juste ensuite une sorte de slow
absolu dans le genre années 80 avec des chœurs naïfs et charmants (I want
you) mais féminicide, comme on dirait aujourd’hui : « Yes,
you’re all that I ever desire/Still I’ll kill you in the end ».
Il y a non moins des phrases qu’il faut oser
chanter, même dans ce cri de rage pathétique à la limite de l’absurde qu’est Master
of the Universe : « And now look what you have done/The master
masturbates alone in a corner of your home ». Il est vrai que comme
l’un de ses modèles, Jacques Brel, Jarvis Cocker ne craint pas l’impudeur
et aime appeler un chat un chat.
Tout l’album transpire le sexe frustré, la
dépression, l’angoisse. Cela vire parfois à la pure psychose avec hurlements (The
Never-Ending Story). D’autres titres semblent d’aimables plaisanteries post-punk
(Anorexic Beauty). Les musiciens ne jouent pas toujours très bien, c’est
parfois mal foutu et il y a ainsi un solo assez pourri dans la belle et
mélodique There’s no emotion, qui lorgne vers le Velvet Underground dans
sa version la plus pop. Mais à la guitare n’est pas Lou Reed qui veut !
L’album se conclut sur deux grands titres.
Don’t you know, parfaite pop-song menée par un clavier obsédant, ritournelle
au texte cruel… Et l’une des chansons les plus déprimantes que je connaisse, They
suffocate at night, où il est question de vide intérieur (« Two
years have passed/Two years of emptiness inside ») et d’une lettre que
l’on n’a pas envoyée finalement : « I wrote you a letter… »
Car c’est bien cela Freaks, un
grand disque sombre, d’une terrible sincérité, outré, théâtral… Tout cela
peut-être pour relater simplement l’éternelle histoire de la dissolution d’un
couple…
Il paraît selon les dires de Jarvis Cocker
lui-même que sa copine de l’époque venait à ses concerts pour écouter ses
paroles et savoir ce qu’il pensait d’elle.
Frédéric
Perrot
mardi 16 juin 2020
Le sable rouge
Encore une victime du
sable rouge… On lui a injecté une dose susceptible de tuer tout un régiment.
Victor s’écarta pour
laisser tournoyer autour du cadavre le robot-légiste, qui énonçait ses
observations d’une voix monotone. Il savait par avance tout ce que la machine
allait lui dire.
Comme les six ou sept
autres qui avaient précédé, elle était de race blanche, était sans doute vierge
et devait avoir entre vingt et vingt-deux ans. Ils avaient bel et bien affaire
à une sorte de « tueur en série » qui choisissait ses victimes.
La scène de crime était toujours identique. Une chambre
d’étudiante dans laquelle le prédateur était entré, comme invité… Nulle trace
de violence, ni d’abus sexuel. Mais la pire des morts… Le sable rouge était un
antiparasite, dont on se servait pour désinfecter les lieux collectifs. Pris à
très faible dose, il était un hallucinogène amusant, qui avait connu une
certaine ferveur dans la décennie précédente. Injecté à forte dose, votre mort
ressemblait à un interminable cauchemar qui s’achevait par un arrêt cardiaque…
C’était selon toute
apparence le cas. La fille s’était horriblement lacérée, comme pour se
débarrasser de quelque chose.
Victor décida de
rentrer chez lui, sans écouter la fin du rapport. Il avait envie de boire et
même de s’enivrer. La consommation d’alcool était interdite depuis plus
d’un siècle. Toute interdiction créant son marché parallèle, Victor avait
sacrifié la moitié de son salaire pour un véritable whisky écossais et il avait
une petite fiole cachée dans l’un des tiroirs de son bureau. Il n’y avait
jamais touché, mais il en avait assez… Il n’en pouvait plus de voir mourir
l’innocence… Tout en sachant qu’il n’y changerait rien… « Un tueur en
série » agissait en toute liberté, et ce n’était pas comme dans les
anciens films : jamais, ils ne le coinceraient au terme d’une enquête
compliquée… Cette fille retrouvée comme les autres dans sa chambre d’étudiante,
c’était la mort de trop… Elle était jolie, aurait pu faire le bonheur d’un
garçon ou d’une fille de son âge… Peut-être qu’elle attendait quelqu’un et ne
s’était pas méfiée, lorsqu’on avait frappé à sa porte…
Comme de bien entendu,
le whisky ne méritait pas le prix qu’il avait payé. Au bout de deux, trois
verres, Victor se mit à rêvasser. Pour se croire inspecteur, il avait étalé
devant lui sur la table basse de son salon les photographies de toutes les
victimes, y cherchant des signes inaperçus ou des ressemblances… Les rapports
des robots-légistes faisaient une belle pile à côté de lui. Il aurait voulu les
compulser, les lire à toute vitesse et en saisir la substance… Mais il n’avait
plus bu une goutte d’alcool depuis le mariage de sa sœur quinze ans auparavant
et il sombra rapidement dans un lourd sommeil.
Le sable rouge coûte
cher… En posséder une telle dose n’est pas à la portée de tout le monde… Il
faut soit avoir beaucoup d’argent, soit avoir des relations, soit les deux…
Cela écarte la possibilité de l’étudiant un peu paumé, jaloux, qui n’a jamais
baisé et se venge… D’ailleurs les crimes n’ont rien de sexuel…
Victor marchait dans
une belle ville italienne. On lui avait souvent parlé de ses musées. Il ne
cherchait ni la beauté, ni un criminel : il cherchait un commerce où il
aurait pu acheter un masque pour se rendre à la fête dont il entendait la
rumeur joyeuse au loin. La ville en quarantaine, toutes les boutiques étaient
fermées. Dans les rues vides voletaient des papiers épars. Les cloches des
églises sonnaient : c’était là où il fallait aller, se mêler aux
fidèles ! Sur le parvis, une femme, le visage tordu de douleur, pleurait…
Victor se voyait lui-même demander à un homme son chemin.
Puis Victor se
réveilla… Le téléphone sonnait. Il décrocha. C’était le robot-légiste qui
l’informait d’une importante découverte qu’ils avaient faite sur le corps de la
victime pendant la nuit. Victor n’y croyait pas une seconde, mais déclara qu’il
arrivait de ce pas. Il avait néanmoins très mal à la tête, la bouche sèche, une
typique gueule de bois. Ce whisky était vraiment un produit frelaté, abject…
Des souvenirs de son
rêve lui revenant, il comprit que le point essentiel n’était pas le décor du
rêve, après tout il avait toujours désiré se rendre un jour dans ces villes
anciennement connues sous le nom de Florence et de Venise, mais cette idée de masque…
Qui évoquait le carnaval bien sûr, et autre chose, une lecture qu’il avait
faite dans sa jeunesse, un conte fantastique…
Victor ne parvenait
pas à fixer son souvenir, il avait mal la tête, mais comme un inspecteur des
temps héroïques, il avait l’intuition qu’il lui fallait regarder dans la
bibliothèque ou du moins les livres de cette étudiante. Un semblant de réponse
devait s’y trouver, il en avait l’intime conviction… Pour le moment, il se
sentait sale, poisseux et il était évident qu’il devait passer sous la douche
avant de se rendre à la morgue.
Il était encore tôt.
Le robot-légiste l’avait appelé aux aurores : ces machines se croyaient
décidément tout permis… Il est vrai qu’elles n’avaient aucun besoin de dormir
et qu’elles suppléaient utilement aux manquements des humains… Jamais un homme
ou une femme n’aurait à l’heure actuelle accepté de découper le cadavre de l’un
de ses semblables : c’était par trop répugnant… Et pour les tâches
répugnantes, et elles étaient innombrables, les robots étaient tout désignés.
Les robots-éboueurs, les robots-livreurs, les robots-caissiers…
Les cinquante millions
d’êtres humains qui avaient survécu aux dernières guerres, catastrophes et
autres pandémies, ne fichaient strictement rien. Ces parasites qu’un salaire
universel entretenait afin que l’espèce humaine ne disparût pas, passaient en
général leurs journées à écouter de la musique hypnotique en absorbant quantités
de drogues. Car si la consommation d’alcool était interdite, la consommation de
drogues était vivement encouragée par le gouvernement planétaire dont les
membres se réunissaient à Vienne, dans l’ancienne Autriche, sans que Victor ne sût
pourquoi.
En poussant les portes
de la morgue, Victor sourit tristement en songeant que le seul service réel
qui avait été maintenu était la police, dont bien malgré lui, il faisait partie…
Pour le reste, les robots s’occupaient de tout.
« La huitième
victime, Anna Lux, vingt ans, contrairement aux autres, a été violée, même si
nous n’avons pas trouvé la moindre trace de sperme. Notre hypothèse est que les
crimes qui ont précédé n’étaient qu’une sorte de préparation, de répétition à
ce crime particulier, qui devait constituer pour le meurtrier une forme d’apothéose.
Nous avons pu constater par ailleurs un terrible acharnement, un désir de faire
souffrir, dont les meurtres précédents étaient exempts. La victime n’est pas
morte comme nous l’avions cru au terme de la première injection. Des analyses
sanguines ont révélé qu’il y en a eu six autres et nous avons également détecté
la présence d’un antiviral visant à atténuer légèrement l’effet délétère de
chaque injection. Notre conclusion est que cette malheureuse jeune fille,
contrairement aux autres, a été torturée pendant des heures… »
Victor avait envie de
vomir. Il ne pouvait en vouloir à ce robot-légiste d’énoncer froidement de
telles horreurs : il n’était pas programmé pour ressentir quoi que ce
soit… Mais l’adjectif « malheureuse » le fit sursauter, comme
si cette machine était en mesure de sortir de ses fonctions…
Ne sachant plus où il
en était, comme un homme pris du mal de mer, Victor s’écroula à moitié sur une
chaise dont il n’avait pas eu conscience jusqu’alors. Il ferma les yeux pour
abolir la réalité autour de lui. Il dut rêver. Si le nom de l’auteur lui
échappait encore, il se souvenait du titre de l’histoire : Le Masque de
la mort rouge… C’était un conte hautement symbolique, cherchant à montrer
la puissance absolue de la mort, dont personne ne doutait… Il y était question
d’un bal organisé par un prince et d’une épidémie de peste.
Quand Victor rouvrit
les yeux, le robot-légiste tournoyait à mi-hauteur et parlait… Sa voix avait
changé : elle était plus musicale, plus féminine, en devenait presque écœurante.
« … vous serez
sans doute surpris, mais nous comprenons ce que vous ressentez. Le désespoir
devant l’injustice, la mort pour rien, la sauvagerie. Nous n’avons ni instinct,
ni inconscient, nous ne sommes même pas programmés pour avoir des sentiments,
cela étant impossible. Nous ne sommes que des tas de ferraille comme vous aimez
à dire et nous analysons tout rationnellement. Or, ce que nous observons et
analysons à votre contact n’a rien de rationnel. Cela dépasse nos capacités.
Vous ne le croirez sans doute pas mais nous connaissons l’étonnement devant
les pauvres animaux sauvages, peu évolués, que vous êtes. Nous ne devrions pas
vous le dire, Victor. Nous connaissons l’identité de l’assassin et vous ne
pourrez jamais rien faire contre lui. Malgré toutes ses précautions, l’absence
de sperme qui doit être seulement le résultat d’une incapacité fondamentale à
jouir même dans l’agression, nous avons détecté une micro-empreinte dans les cheveux
de la victime. Aussi minime soit-elle, elle ne laisse aucun doute. Si nous ne
sommes pas habilités à émettre des jugements de valeur, cette micro-empreinte
est néanmoins celle d’un fils dégénéré d’un membre éminent du
gouvernement planétaire. Plusieurs affaires le concernant ont déjà, comme vous le
dites étrangement, été étouffées. Nous ne sommes que des tas de
ferraille, nous ne comprenons pas vos métaphores. Cependant nous connaissons
l’étonnement et nous sommes très étonnés qu’un être humain puisse en tuer un
autre et même le torturer, simplement parce qu’il a été repoussé. C’est selon
nos conclusions le seul mobile vraisemblable de la mort d’Anna Lux et de celles
qui l’ont précédée. »
Quand il se réveilla,
Victor était chez lui. S’il avait été le personnage d’un ancien film, comme il
en avait regardé tant dans sa jeunesse, il serait allé à ce moment précis à sa
fenêtre, pour jeter au loin en un geste de révolte symbolique son insigne de
policier.
Mais il n’avait ni
arme, ni insigne et il n’avait pas attendu cette histoire pour ne plus croire
en rien.
Frédéric
Perrot
samedi 13 juin 2020
Le rêve d'Icare (avec un pastel d'Eric Doussin)
Eric Doussin |
Pour
Laurent,
Pour
des raisons qui n’ont rien de frivole
L’homme
envie l’oiseau
Et
dans ses imaginations les plus folles
Ses
rêves joyeusement il vole
Se
désenglue décolle
Oh
comme il est faux de dire
Qu’il
aime le sol
Ce
qui accroche et s’enfonce
Les
racines et les ronces !
« Avoir
les pieds sur terre »
Est
l’idéal médiocre par excellence
« Descends de ton nuage »
Ce
qu’on nous a seriné toute l’enfance…
Or
même un instant un enfant est comme Icare
Lui-même
fils de Dédale
(Architecte
de génie
C’est
tout ce qu’on sait de lui :
Cette
imposante filiation…)
Il
regarde vers le haut !
Et
durant toute sa vie
Aura
la nostalgie
Des
envols inaccomplis
De
l’étoile
Et
du ciel natal !
Le texte a été écrit en avril 2017 sur une
suggestion de Laurent Bouisset et publié en septembre 2017 dans le numéro 18 de
la revue Lichen. Frédéric Perrot.