Le jugement interrompu
Tout est plus reposant, dès que l’on sort
de l’homme et de la psychologie… « Mais en sort-on jamais ? »
Vue de l’extérieur – « Vue de
l’extérieur, sa vie peut sembler assez brouillonne, voire confuse… Tout le
monde en juge à peu près ainsi ; mais pour sa part, il s’accorde encore le
bénéfice du doute ; car comment pourrait-il faire autrement ? »
Juges de nous-mêmes – « Le tribunal
intérieur est sans indulgence. Si l’on voulait être lourd, on pourrait ajouter
qu’il n’admet aucune circonstance atténuante… C’est pourquoi le jugement des
autres sur notre petite personne, quoique justifié, nous semble toujours
fâcheux et superfétatoire. Si au moins, ils nous apprenaient quelque chose…
Mais tel n’est pas leur but ! »
Sombre humeur – « Parfois nous sommes
si préoccupés et d’une humeur si sombre, que nos proches ne nous reconnaissent
plus et nous jugent différents… Cela
les inquiète et les trouble : ils ont le sentiment, ô combien désagréable,
de se trouver en présence d’un inconnu… »
Ou : « Ce matin, par
inadvertance, tu as vu mon âme inscrite
sur mon visage et tu as eu comme un mouvement de recul inconscient… Tu ne
savais plus à qui tu t’adressais.»
Contre un absurde impératif – « … oh !
Moi, je me connais déjà bien trop
moi-même : je me suis percé à jour, j’ai déchiré le voile et je ne
peux décemment plus nourrir la moindre illusion à mon endroit… Je connais le
ressort de mes actes, je sais ce qui m’agit ; mais à ce sujet, je ne dirai
pas un mot.»
Sur la voie de la guérison – On lui
conseille, on lui demande de se libérer de ses lubies et de certaines de ses
obsessions, qui tout bien considéré, ne torturent que lui… « Comme si cela
pouvait se faire en un claquement de doigt ! Une obsession est justement ce
dont on ne se débarrasse pas. La raison y travaillerait en vain… »
Sagesse des nations – « Pour
retrouver une certaine forme de santé, il vous faudra vous armer de patience et laisser le temps agir…» – « À supposer
qu’il agisse véritablement et que ce ne soit pas simple illusion que d’accorder
au temps, un quelconque pouvoir réparateur… »
Le jugement interrompu – « … très
cher ami, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vous propose à cet instant
d’interrompre nos jugements ! Certes, ce vin est excellent ! Parmi
les raisons qui font que la vie mérite d’être vécue, n’oublions jamais les vins
de Bourgogne !... Mais nous ne sommes que de piètres buveurs et il nous
échauffe l’esprit, rend notre langue pâteuse, et si nous avons bien ri, des ridicules
et des petites vanités de tel ou tel, nous pouvons par respect de nous-mêmes changer
de ton et de registre…Tant il me semble que celui qui juge son époque et ses
contemporains avec trop d’acrimonie, prouve seulement qu’il n’a rien
approfondi… »